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Thierry Breton : "Nous entrons dans un monde plus fragmenté" [ABO]

Pour Thierry Breton, les pros du tourisme doivent être "très attentifs" au monde qui se redessine


Il était l'un des intervenants star du congrès des Entreprises du Voyage 2025, au Maroc. Thierry Breton est monté sur scène pour, bien évidemment, commenter la situation géopolitique du monde, mais l'ancien commissaire européen s'est aussi laissé aller à quelques confidences sur Donald Trump et Vladimir Poutine. Avec cette crainte : que nous entrions dans une nouvelle ère, celle d'un "monde plus fragmenté", ce qui pénaliserait le tourisme.


Rédigé par le Vendredi 23 Mai 2025

Thierry Breton estime que les pros du tourisme doivent être "très attentifs"  au monde qui se redessine - Crédit photo : RP
Thierry Breton estime que les pros du tourisme doivent être "très attentifs" au monde qui se redessine - Crédit photo : RP
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Sa vie pourrait presque être un roman.

Ingénieur de formation, puis start-upeur avant l'heure, romancier, ministre ou encore commissaire européen... Thierry Breton a tout fait ou presque, même le congrès des Entreprises du Voyage !

L'homme politique n'est pas intervenu pour postuler à la présidence de l'instance, mais pour faire un point sur la situation géopolitique mondiale.

"J’ai bien connu Donald Trump au cours de son premier mandat, il avait surpris tout le monde. Au fond, il avait juste appris le pouvoir. Il aborde ce second mandat avec un sentiment de vengeance à cause du "vol supposé" des élections précédentes.

Et il pense savoir mieux que tout le monde ce qui se passe, donc il est un peu plus dangereux. Cela explique la sidération que nous vivons.

Nous avons bâti une architecture de sécurité sous le parapluie américain, et elle vient de s’effondrer. Nous avons perdu confiance. Tout ce que nous faisons repose sur la confiance.

Il faut des années, voire des siècles, pour la bâtir,
" a introduit Thierry Breton.


USA : "En Europe, la perte de confiance est aussi très importante"

Beaucoup l'ont oublié, mais Thierry Breton a été Commissaire Européen notamment en charge du tourisme.

Il avait d'ailleurs été à l'initiative du pass sanitaire pour permettre aux Européens de voyager durant la crise liée au Covid.

En quelque sorte, son cabinet et l'Europe ont permis au tourisme de ne pas complètement s'effondrer.

A lire : Thierry Breton : Un plan Marshall pour le tourisme européen

Aujourd’hui, ce n’est pas le tourisme qui vacille - bien au contraire, il connaît une croissance mondiale soutenue - mais les relations entre les alliés des États-Unis, remises en question par le retour au pouvoir de Donald Trump.

"La première fois que je l'ai rencontré, c'était à Davos. Il voyait pour la première fois Ursula von der Leyen. Il ne lui a pas dit bonjour et lui a balancé d’emblée : vous me devez 40 milliards de dollars.

La présidente de la Commission européenne s’est alors enfoncée dans son fauteuil. Il a poursuivi, dans un langage fleuri qui lui est propre : vos p****s d'Allemands n'ont jamais payé ce qu'ils devaient pour l'OTAN.

Puis, il a enchaîné, en expliquant que si jamais l'Europe pense que les USA viendront la défendre si elle est attaquée, tant qu'elle ne paiera pas, elle peut oublier l'OTAN.

C'était Trump lors du premier mandat,
" raconte l'ancien commissaire.

Une fois cet échange terminé, l'Europe, sous l'impulsion de Thierry Breton, a cherché à redéployer les capacités de la défense de l'Union.

Un point qui s'annonce maintenant primordial au regard du nouveau mandat possible du milliardaire et de la situation géopolitique mondiale.

Pour l'homme politique français, il est indispensable de faire front commun car, dans cette partie d'échecs, seuls les grands blocs comptent. Les pays isolés ne seront pas pris en compte.

Chacun doit donc rejoindre une alliance pour exister et ne pas se faire avaler par le tsunami provoqué par le 47e Président des Etats-Unis d'Amérique.

"Je reviens de Corée du Sud. Jamais de ma vie je n’aurais imaginé entendre ce que j’ai entendu, mais compte tenu de la situation dans laquelle nous sommes, nous allons travailler sur la bombe atomique.

Au Japon, le verrou constitutionnel limitant les dépenses militaires à 1% du PIB a sauté, pour atteindre 2%, voire 3%.

En Europe, la perte de confiance est aussi très importante, 26 des 27 pays dépendant à 100% de la confiance avec les USA pour continuer à tenir tête à Poutine. Le roi est nu,
" affirme l'ancien PDG d'Atos.

Droits de douane : "C'est un système un peu mafieux"

Pour Thierry Breton, nous entrons dans une nouvelle ère, sans la boussole américaine.

Dorénavant, les Européens doivent prendre en main leur destin, aussi bien sur le plan économique que militaire.

"Il ne dit pas que des bêtises, ajoute l'homme politique au sujet de Trump. Quand il dit que les USA sont trop dépendants de la Chine, il a totalement raison. On a laissé entrer la Chine dans l'OMC en 2000, sans contrepartie.

On pensait que le consumérisme, la modernisation, l'ouverture au monde permettraient à la démocratie de s'imposer contre les forces du mal. Cela ne s'est pas produit,"
estime-t-il.

Au lieu de rentrer dans le rang, l'Empire du Milieu s'est imposé comme l'usine du monde et a encore plus resserré l'étau sur sa population, grâce à la révolution numérique.

Depuis Barack Obama, elle est la cible de chaque Président américain. L'enjeu est d'affaiblir la deuxième puissance mondiale pour éviter qu'elle ne détrône le leader.

Donald Trump est, lui, entré dans une guerre commerciale sanglante contre la Chine, mais pas seulement.

"Les USA vivent au crochet du monde. Il faut toujours écouter ce qu'il dit, car ses propositions ne viennent pas de nulle part.

Lors de sa campagne, il a répété à plusieurs reprises qu'il était admiratif du 25e Président
américain McKinley au début du XXe siècle, qui avait théorisé l'idée de droits de douane élevés pour réduire les impôts aux USA.

Il a donc repris cette idée pour réindustrialiser 5 secteurs clés de l'économie qu'il a identifiés, auxquels il a collé 25% de droits supplémentaires, sauf pour les entreprises qui viennent s'installer là-bas. C'est un système un peu mafieux,
" recontextualise Thierry Breton.

"Pour Poutine, les frontières, ça va, ça vient"

Pour l'ancien patron de France Télécom, le milliardaire ne va pas reculer en dessous des 10%, ce sera le tarif de base.

Les 25% imposés selon les secteurs pourraient être aménagés, mais il ne faut pas s'attendre à un effacement total de la mesure, qui reste une promesse de campagne.

"Nous devons avoir des négociateurs au niveau européen capables de se battre à la fois sur les plans politique et économique.

N'oublions pas que les Etats-Unis sont sous le regard des marchés et dans cette période, où la confiance est écornée, ils ne pourront pas se permettre la moindre erreur.

Les marchés financiers n'ont pas apprécié les annonces faites lors du Liberation Day. Pour rappel, le pays émet 9 000 milliards de dettes chaque année. Dernièrement, ils ont failli rater une émission. Trump a compris le signal et a suspendu les droits de douane pendant 90 jours,
" explique Thierry Breton.

Un avertissement sans frais, mais révélateur pour comprendre les agissements du 47e Président.

En attendant que la période probatoire se termine, ou que Donald Trump ait une nouvelle réaction impulsive pour dissimuler un nouvel échec, il est un sujet sur lequel il s’est ouvertement pris les pieds dans le tapis : la guerre en Ukraine.

Alors qu'il avait promis de trouver une résolution au conflit en seulement 24h, puis en 100 jours... il s'est finalement fait berner par Vladimir Poutine. Pour Thierry Breton, il ne faut pas se faire d’illusion sur les véritables intentions du nouveau tsar russe.

"J'étais encore ministre des Finances quand Jacques Chirac m'appelle pour m'inviter à dîner avec un "ami". Il avait des relations très étroites avec Poutine.

Au cours du repas, nous en venons à parler des frontières. Et le président Russe nous dit : "Les frontières, nous ne connaissons pas". Puis, il poursuit en expliquant que la Russie est un continent, mais qu'il faut aussi voir le pays comme un océan.

Voilà sa notion des frontières, ça va, ça vient. Si vous avez la malchance d'être sur la grève, dans des régions ou des pays à population russophone comme le Donbass, l'Estonie, la Bulgarie ou la Moldavie, les frontières, ça va, ça vient,
livre en anecdote, Thierry Breton.

Thierry Breton : "Nous entrons dans un monde plus fragmenté"

Pour l'homme politique français, l'Europe va devoir montrer ses muscles et vite. Elle devra aussi faire face à l’obligation de trouver des accords à l’unanimité, malgré la Hongrie et d’autres satellites russes infiltrés parmi les 27.

Selon Thierry Breton, notre sécurité pourrait être menacée. "Tout dépendra de notre capacité à monter très vite notre base industrielle de défense, afin d’accroître notre dissuasion collective et le dissuader d’aller de l’avant.

Il y a une vraie volonté politique de le faire désormais au niveau européen. Il faut du leadership. Je suis plutôt confiant.
"

Dans ce monde mouvant, où les alliances séculaires sont balayées d’un revers de tweet, il est important de garder la tête froide et de comprendre que les relations sont désormais mises à l’épreuve dans un rapport de force tous azimuts que Donald Trump veut imposer à tous.

Une chose est sûre : le tourisme, qui s'est fortement développé grâce à une planète ouverte comme elle ne l'a jamais été, pourrait lui aussi entrer dans une nouvelle ère, moins favorable.

"Bien entendu, nous entrons dans un monde plus fragmenté, mais je pense que pour le tourisme, nous devrions parvenir à une forme de normalisation dans ce nouvel équilibre en construction.

Il faut être très attentif et très réactif,
" a-t-il lancé à destination des professionnels du voyage.


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Commentaires

1.Posté par Yves Brossard le 23/05/2025 06:41 | Alerter
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« L’Empire du milieu …a encore plus resserré l'étau sur sa population, grâce à la révolution numérique », je cite Thierry Breton.

N’est-ce pas ce que nous vivons aussi en Europe ? On ne nous dirige plus vers un avenir, on nous encadre dans un carcan numérique, qui loin de nous libérer accentue l’oppression administrative.

Quand à la confiance des populations, le déclin démographique européen ne démontre-t-il pas à lui seul une importante perte de confiance en l’avenir, dans une pratique d’étouffement des libertés individuelles ? L’esprit d’initiative, individuel comme collectif, et par voie de conséquence la confiance dans l’avenir, ne peut se développer que sur un terreau favorable à l’action individuelle. Or l’étau ne cesse de se resserrer, notamment par le développement des monopoles et oligopoles usant des mêmes pratiques numériques que les États et collectivités locales.

Sans parler de l’irrespect de plus en plus marqué des Constitutions, avec le concours des juridictions administratives. Ici et là, on bafoue les messages des urnes. Le fondement constitutionnel de nos sociétés s’effondre progressivement.

Et quand une société ne croit plus en son avenir, l’organisation de sa défense militaire n’est-ellle pas un leurre, une nouvelle tromperie visant à tenter de prolonger la vie d’un système qui étouffe la confiance et donc l’avenir ?
Il ne faudrait pas confondre pessimisme et lucidité.

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