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Transport aérien : haro sur les taxes et l’avion bashing 🔑

La FNAM a tenu sa conférence de presse


A l’issue de la conférence de presse organisée par la Fédération Nationale de l'Aviation et de ses Métiers, vendredi 18 novembre 2022, TourMaG a pu interroger les représentants de la FNAM et les opérateurs adhérents. L’occasion d’un dialogue sans langue de bois avec, comme d’habitude chez certains dirigeants de compagnies aériennes, des formules bien senties pour fustiger les projets de taxes et les mauvais procès en pollution du secteur aérien.


Rédigé par le Lundi 21 Novembre 2022

Quid de la taxation du kérosène ?

Autour de Pascal de Izaguirre, les membres de la FNAM et les dirigeants des compagnies aériennes adhérentes. Photo CH
Autour de Pascal de Izaguirre, les membres de la FNAM et les dirigeants des compagnies aériennes adhérentes. Photo CH
TourMaG : Nous avons récemment entendu une déclaration du Ministre des transports, Clément Beaune, qui disait discuter avec ses collègues ministres européens et se pencher sur la taxation du kérosène dont il disait que l’aérien était le seul secteur qui n’était pas taxé. Comment réagissez-vous à cette déclaration ?

Alain Battisti, président de Chalair Aviation :
C’est faux, aujourd’hui le kérosène est taxé*, l’émission à la consommation de kérozène est taxée, le bruit est taxé. Nous sommes un des rares secteurs où le bruit est taxé. Les fabricants de voitures ou de motos qui font du bruit ne sont pas taxés.

Il y a effectivement une volonté européenne de renforcer la taxation du kérosène mais on est loin d’avoir l’accord global européen nécessaire. Si cela devait arriver, ce serait un gros risque pour notre secteur.

Sur du long-courrier par exemple : Istanbul a été construit pour accueillir 200 millions de passagers, soit deux fois plus que Roissy CDG. Pensez-vous que la Turquie va nous laisser tranquillement augmenter le prix de notre kérosène sans elle-même augmenter son offre et détourner le trafic ?

Le hub d’Istanbul est idéalement placé sur les destinations vers l’Asie, l’Afrique et l’Europe de l’Est. C’est ce que l’on appelle « les fuites de carbone ».

La guerre en Ukraine est en train de montrer aux politiques qu’il ne faut pas être naïfs, ni sur les enjeux militaires, ni sur les enjeux politiques, ni sur les enjeux énergétiques et ni sur les enjeux de souveraineté les plus basiques comme la liberté d’avoir des lignes aériennes directes, d’avoir plusieurs opérateurs nationaux forts.

Tous ces enjeux doivent être pris en compte. Taxer, fiscaliser tout et tout le temps c’est une habitude qu’il faut perdre.


Laurent Timsit, Délégué Général FNAM : On peut ajouter deux points : ce n’est pas parce que le kérosène n’est pas taxé sur les vols internationaux que le transport aérien n’est pas taxé. Il y a de lourdes taxes qui sont régulièrement oubliées dans le discours politique.

Deuxième point, et ce que nous regrettons c’est que le fruit de cette taxation ne soit pas réinvesti dans la transition énergétique de l’aérien. C’est un point -clé pour nous.


Pascal de Izaguirre, Président de la FNAM : C’est un problème de logique. Un problème d’approche.

Soit on décide de taxer pour pénaliser, pour réduire dans une logique malthusienne, soit on décide de mettre les moyens et les actions sur comment accélérer cette transition énergétique du transport aérien.

A la FNAM nous considérons que les solutions existent, et nous souhaitons que les pouvoirs publics nous accompagnent et nous soutiennent dans ces efforts de décarbonation avec, par exemple, la filière « Carburant Aéronautiques Durables » ou les mécanismes d’incitation fiscale.

La taxation n’est pas la bonne réponse. Elle risque de réduire encore plus notre compétitivité, nous pénaliser en tant que secteur créateurs d’emplois.

Nous plaidons pour une action volontariste de l’Etat pour nous accompagner, pour accélérer la transition. Le poids des taxes et des redevances nous pénalise très fortement et a pour conséquence une régression du pavillon national depuis les vingt dernières années.


"En Europe, nous continuons d’aller dans la transition énergétique sans discernement"

TourMaG : Au sujet de l’aide de l’Etat justement, Radio France diffuse gratuitement en ce moment un spot de publicité de Greenpeace pour promouvoir les voyages sans avion. Allez-vous, vous aussi, vous adresser à l’Etat via Radio France pour demander à avoir un spot gratuit pour plaider votre cause ?

Alain Battisti :
Nous ne faisons pas de politique. Je pense pour élargir le sujet sur un plan économique mondial que nous sommes actuellement à un point de bascule.

On voit bien qu’il y a deux mondes économiques qui vont s’affronter durablement et fortement : les Etats-Unis et la Chine. En Chine, le congrès est terminé et cela va se faire. Aux Etats-Unis, il y a un plan massif de l’Administration Biden qui rend l'énergie bon marché et qui vise à relocaliser massivement aux USA l’industrie américaine qui s’était délocalisée en Chine.

On n'est pas du tout actuellement dans la transition énergétique aux Etats-Unis mais dans un subventionnement à coup de centaines de milliards de dollars pour relocaliser une industrie en lui donnant un avantage compétitif qui est l’énergie pas cher.

En Europe nous continuons d’aller dans la transition énergétique sans discernement alors qu’il faut adopter des solutions pragmatiques pour des gains immédiats.

Améliorer les trajectoires des avions via le contrôle aérien c’est 10%, les carburants aéronautiques durables c’est 80%. C’est très concret et c’est à portée de main.

Nous ne sommes pas dans la politique mais dans une vraie écologie, celle qui peut se décliner dans deux, trois ou cinq ans et non pas dans des grands plans stupides où on va construire des lignes TGV dont on calcule l’amortissement écologique carbone sur cent ans ! C’est une escroquerie intellectuelle.

Nous sommes nous sur des échéances très courtermistes avec des solutions pragmatiques et je dois dire que notre Ministre que nous avons vu récemment n’est pas hermétique à notre discours.

Je considère que c’est un homme honnête. Si on lui explique et qu’on lui donne des clés avec une vraie volonté d’efficacité, il peut être un relais à l’intérieur du gouvernement sachant qu’il y a des enjeux de filière, de créations d’emplois non délocalisables et de souveraineté énergétique.

"Si les gens avaient décidé de ne plus prendre l’avion pour aller en vacances ça se verrait"

TourMaG : Mais pour revenir sur ce message publicitaire de Greenpeace sur Radio France, n’êtes-vous pas tout simplement choqués de voir qu’on offre un message à des gens qui, il y a encore quelques temps, ont forcé les barrières de l’aéroport pour aller détériorer un avion d’Air France ?

Marc Rochet, Président Air Caraïbes, French bee :
Soyons clairs. On n’est pas plus choqués que ça si en même temps qu’on écoute le spot de Radio France, on regarde nos engagements de réservations.

Ces messages ne passent pas dans le public aujourd’hui. Quand un ministre du gouvernement a expliqué qu’il fallait rajouter 30 centimes d’essence pour l’écologie, ça a donné les gilets jaunes.

Ces messages sont ceux d’un microcosme qui s’auto-alimente en matière de communication.

Nous allons avoir un bon hiver. Si les gens avaient décidé de ne plus prendre l’avion pour aller en vacances, ça se verrait. Et cela ne se voit pas.

Encore une fois, nous ne dégageons pas notre responsabilité totale vis-à-vis de la protection de la planète. Je supporte totalement les messages passés ce jour par les représentants de la FNAM et en tant que responsable d’entreprises, je suis déçu du désengagement politique.

Ou sont les actes concrets telles que la modernisation de l’ATC (contrôle aérien) pour gagner 8 à 10% ? Ce n’est pourtant pas le bout du monde ! Il faut juste mettre du digital dans les centres de contrôle aérien et discuter avec les gars pour qu’ils décident de s’en servir.

Aussi, pourquoi les primes à la casse pour verdir le parc automobile ne s’appliquent pas à l’aviation ? Ce sont des solutions simples qui marchent !

Dire à des opérateurs : "si vous avez un vieil avion qui consomme trop de pétrole on va vous aider à le casser, mais si vous ne le faites pas ça va vous couter très cher". Je suis d’accord. A condition, comme l’a rappelé Laurent Timsit, que cet argent là soit réinjecté dans les aides pour acquérir des avions modernes.

Je prends également l’exemple du client qui veut voyager cet hiver. Je ne comprends toujours pas pourquoi on est incapable de mettre autour de l’avion à Orly un matériel presque entièrement électrique à la place de ces équipements diesel qui dégagent des centaines de kilos de CO2 !

J'ai voulu mettre des groupes électriques, on m’a expliqué qu’il n’y avait pas la puissance électrique pour les mettre en place… On est à 20 kilomètres de la capitale...


Pascal de Izaguirre : Le besoin et l’envie de voyager sont là et c’est tout le rôle de la FNAM que de faire de l’action de conviction auprès des pouvoirs publics pour remettre le débat sur des bases rationnelles.

*En France, seul le kérosène utilisé pour des avions de tourisme est taxé mais la taxation du carburant des vols internationaux est interdite par la convention internationale de Chicago (1944) et la France a appliqué cette exemption aux vols commerciaux intérieurs.

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