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100 millions de touristes et moi et moi… (Jean Pinard) [ABO]

L'humeur de Jean Pinard


Faut-il faire de la France la première destination de l’univers ? Jean Pinard répond aux experts qui ont commenté les résultats touristique de la France qui a passé pour la première fois le cap des 100 millions de visiteurs étrangers en 2024.


Rédigé par le Vendredi 31 Janvier 2025

Et au-delà des 100 millions, ce qui est le plus important c’est de savoir si on a progressé ou pas, dans quel univers de consommation, sur quel type de produit, sur quel type de marché … et d’en faire une analyse fine - Depositphotos.com  Auteur terovesalainen
Et au-delà des 100 millions, ce qui est le plus important c’est de savoir si on a progressé ou pas, dans quel univers de consommation, sur quel type de produit, sur quel type de marché … et d’en faire une analyse fine - Depositphotos.com Auteur terovesalainen
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On est mi-juin 2014, à la fin des assises du tourisme de l’époque. Laurent Fabius, alors ministre des Affaires étrangères, annonçait un objectif pour la France : "Nous devons avoir pour ambition d'être le premier [pays touristique] au monde" et de rajouter "en accueillant 100 millions de visiteurs par an".

C’est fou, comme on aime annoncer que nous devons être les premiers. Comme si le fait d’être premier, donc de se comparer aux autres, devenait un objectif en soi.

Bon je passe sur les annonces « annexes », comme le chantier du Grand Paris Express dont les travaux devaient démarrer… en 2017, ou un vaste programme d’amélioration de l’accueil dans les gares parisiennes que, visiblement, l’office de tourisme de Paris aurait oublié.

Mais bref, ça y est 10 ans après, la prophétie se réalise, on les tient nos 100 millions de visiteurs !


100 millions de visiteurs : les commentaires de défiance des experts

Dire que toute la profession s’est réjouie de cette performance historique, serait mentir, tant les commentaires de défiance vis-à-vis de ce chiffre tout rond et devenu un poil suspect ont été légion.

Pour résumer les commentaires qui ont suivi à cette annonce de la ministre, et des nombreux articles et commentaires d’experts qui ont toujours un micro bien caché dans la poche de leur pantalon, on peut dire qu’il y a deux catégories de mécontents :

a - Les premiers contestent les 100 millions de visiteurs, sur le thème "oui mais, on sait bien que les chiffres sont bidons, que les Allemands ne font que traverser la France etc etc. "

Alors oui, ce n’est jamais facile de mesurer des flux, mais quand même on a progressé sur l’analyse de ces flux depuis quelques années.

On peut toujours faire mieux, plus précis, mais comment ??? On n’aura pas la réponse de ceux qui contestent.

Si les méthodes de mesures ne sont pas bonnes pour la France, alors elles ne sont pas bonnes pour tous les pays d’Europe… sauf pour les îles.

Et encore, on peut venir 3 jours à Malte comme 3 semaines. Sur ce sujet je pense qu’il faut qu’on accepte que produire de la statistique relève souvent de la modélisation, du croisement de données différentes, qui permettent d’estimer un nombre à la fin.

Après, faire 2 millions de visiteurs en plus qu’en 2023 avec des JO et une commémoration des 80 ans du débarquement, ne relève pas d’une appréciation tordue. Et au-delà des 100 millions, ce qui est le plus important c’est de savoir si on a progressé ou pas, dans quel univers de consommation, sur quel type de produit, sur quel type de marché … et d’en faire une analyse fine qui permet de faire émerger les facteurs discriminants de la performance de l’économie touristique des destinations.

b - Les seconds, « les experts » eux sont plus attachés à la dépense et viendront rappeler que tout cela c’est bien beau, mais que c’est moins bien que… l’Espagne !

Ah la comparaison avec l’Espagne, c’est ce qui nous permet de dire en des termes très soft, que la France pourrait faire bien mieux si, je cite : "elle prenait enfin position pour savoir si elle veut être une destination de tourisme de masse, ou se tourner, je cite encore, vers un tourisme plus qualitatif".

La France est une destination à part en Europe

Là, j’avoue que cette petite musique qui consiste à dire que si on rasait les campings et les villages des littoraux pour y mettre des « vrais resorts » façon Costa Brava ou Canaries, on améliorerait tellement plus les dépenses des clientèles étrangères... Des clientèles qui pèsent pour environ un gros tiers de la consommation touristique française.

Dit encore plus directement, si on pouvait switcher des nuitées françaises par des nuitées américaines ou japonaises, on deviendrait enfin une destination touristique !

Dans la même veine on a même entendu que la France méritait, je cite là encore, « un vrai plan de promotion à l’international » !

On vient de battre notre record de fréquentation, mais on avait un faux plan de promotion. Là aussi vous l’entendez bien cette petite musique de fond qui consiste à critiquer les choix d’Atout France de ces 5 dernières années, parce que la France n’était pas représentée à l’ITB Berlin ou avait un stand scandaleusement trop petit au FITOUR !

Rien de bien nouveau finalement dans l’analyse. Et on se dit que rappeler que si la France accueille 100 millions de visiteurs étrangers ce qui la place à l’évidence dans le top 3 mondial, son économie touristique repose principalement sur sa clientèle domestique. Et que de ce point de vue la France est une destination à part en Europe.

Qui, objectivement, veut du modèle Baléares parmi les acteurs du tourisme en France ?

Et peut-être faudrait encore une fois rappeler que les deux principales missions d’aménagement touristiques pilotées par l’État, la mission Racine dans le Languedoc et la MIACA (Mission interministérielle pour l'aménagement de la côte aquitaine) en Aquitaine, avaient pour objet d’accompagner la démocratisation du tourisme, et de proposer une nouvelle offre aux clientèles françaises !

Donc se comparer à l’Espagne pour dire que la France c’est une destination cheap, ça va bien. Notre modèle est équilibré et j’aime pour le prouver, opposer le modèle de la Corse à celui des Baléares. Qui, objectivement, veut du modèle Baléares parmi les acteurs du tourisme en France ?

Pour finir et être précis sur les chiffres, la Banque de France qui suit les dépenses des clientèles étrangères, estime que nous sommes passés de 65MD€ en 2023 à 71MD€ en 2024. Cela représente quand même 10% d’augmentation, ce qui dans le contexte économique franco-français, n’est pas si mal… même s’il faut admettre que cette performance est antinomique avec l’objectif de faire de la France la première destination durable, mais c’est un autre sujet.

Mais en attendant que les experts nous préparent un « vrai plans stratégique » pour faire de la France la première destination de l’univers, réjouissons nous de la progression de l’économie touristique, et (re) mettons nous vite au boulot pour rendre ces performances plus acceptables du point de vue écologique.

Lire aussi : OT, CRT, ADT... il est temps d'ouvrir le débat du financement ! (Jean Pinard)

Jean Pinard - Mini Bio

Jean Pinard - DR
Jean Pinard - DR
Président de la société de conseils Futourism :

Forestier et géographe de formation, Jean Pinard a toujours travaillé dans le secteur des sports et du tourisme.
Moniteur de kayak, chauffeur de bus, guide, gestionnaire de sites touristiques, directeur de CDT et de CRT (Auvergne et Occitanie), Jean Pinard est redevenu consultant, son premier métier à la SCET, à la fin de ses études.

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Tags : jean pinard
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Commentaires

1.Posté par Yves Brossard le 31/01/2025 10:41 | Alerter
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Deux questions à propos de la remarque de Jean Pinard, je le cite : « en attendant que les experts nous préparent un « vrai plan stratégique » » ; qui sont les experts ? et qu’est-ce qu’un plan stratégique ?

Pour ma part, je considère que tant que les P.L.U. seront élaborés sans concertation institutionnalisée avec les professionnels des industries touristiques, et rendue obligatoirement publique, il sera impossible de bâtir une stratégie à long terme. Or cette concertation institutionnalisée est nécessaire pour orienter et encourager les investissements des professionnels.

Et puisqu’on parle de stratégie, donc de long terme, il me semble souhaitable de réformer en profondeur le code du tourisme, qui ne doit plus être un appendice du code général des collectivités régionales, mais un instrument au service du développement à long terme de l’entrepreneuriat et de l’emploi dans les industries touristiques, intégrant nécessairement les demandes - et nécessités - de mobilités douces et écologiques.

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