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FUTUROSCOPIE - "Les quinze jours qui ébranlent le monde"🔑

Le décryptage de Josette Sicsic (Futuroscopie)


Il y a presqu’un siècle, l’ouvrage consacré à la révolution russe, intitulé : « Les dix jours qui ébranlèrent le monde » paraissait. Signé par l’américain John Reed, ce récit datant de 1919 n’est pas sans évoquer le chaos que la Russie impose aujourd’hui à l’Ukraine, à sa population et au monde. Un chaos qui ne sera pas sans incidence sur le secteur touristique. A court et probablement moyen terme. Une fois de plus, l’impact dramatique de la géopolitique sur des scenarii d’avenir, est donc démontré. Les « quinze jours qui ébranlent le monde » sont d’ores et déjà bien placés pour œuvrer à la démolition du moral de l’humanité et celui d’une industrie déjà bien affaiblie…


Rédigé par le Jeudi 10 Mars 2022

Un autre sentiment se développe, et bloque les projets d’une part importante de la population : c’est la culpabilité. - Depositphotos.com Auteur reflextions
Un autre sentiment se développe, et bloque les projets d’une part importante de la population : c’est la culpabilité. - Depositphotos.com Auteur reflextions
Le moral des Français est désormais plombé par la guerre en Ukraine. Et ce ne sont pas les images dramatiques qui circulent sur les chaînes de télévision et les réseaux sociaux depuis le 24 février qui sont de nature à calmer les esprits.

Dans un sondage réalisé trois jours après que l’armée russe ait forcé les frontières de son voisin ukrainien (mené par l’institut Elabe) : 88% des Français se disaient choqués par cette entrée en guerre et les bombardements qui ont suivi. Dans le détail, cette étude indique que 66 % de l’échantillon interrogé était « très choqué » et 22 % « assez choqué » par l’intervention militaire russe en Ukraine.

La force des mots : « mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde »

Signé par l’américain John Reed
Signé par l’américain John Reed
Mais, il n’y a rien d’étonnant à cela. Le terme de guerre appartient à une sémantique particulièrement alarmante, notamment parmi les pays occidentaux pour qui les souvenirs des guerres passés n’ont aucune chance de disparaître des esprits, compte tenu de l’entretien mémoriel que l’on en fait.
La consonance guerrière n’est pas non plus sans émouvoir les esprits d’une jeunesse à qui l’on a vanté la construction européenne comme un rempart à une nouvelle guerre et une ode à la paix.

Quant à des populations exposées comme les Israéliens, les Libanais, les Syriens… ils ne peuvent que mal vivre de tels moments. Traumatique, la guerre et son arsenal de missiles, rockets, bombes, blessures, cadavres a trop d’impact sur l’individu, pour ne pas le dissuader ou tout au moins le freiner dans ses projets et l’immobiliser.

On avait évoqué dans nos articles tendances le phénomène de « dé mobilité » voire « d’immobilité » comme conséquence de la pandémie. Or, voilà qu’il convient aujourd’hui aux effets de cette guerre que les Occidentaux ne voulaient pas voir ou qu’ils voulaient tenter d’amoindrir.

De plus, pour nous Français, les images de bombardements, d’exodes, de violence et de drames se télescopent avec les images d’une guerre d’Algérie dont la soixantième année d’indépendance est fêtée cette année.

Films, reportages, témoignages, l’année 2022 ne peut faire l’impasse sur une guerre de décolonisation qui a laissé en France tant de traces dans les mémoires et dans le vécu d’une grande partie de la population française.

Pour tous les esprits, y compris les moins fragiles, la guerre n’est donc pas qu’une menace diffuse, elle est concrète et constitue le paroxysme des drames imposés à l’humanité. Y compris la plus pacifique. Elle est un mot qui fait mal mais, comme le disait Albert Camus : « mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde ».

La guerre économique pour rajouter du mal au mal

Alors que la pandémie de Covid commençait à refluer, une nouvelle plaie affecte donc le monde et le secteur tranquille du tourisme qui ne peut pas ne pas être épargné par de telles turbulences compte tenu de l’autre guerre engagée : la guerre économique. D’ores et déjà, les 85% de vacanciers adeptes de l’automobile pour rejoindre leur lieu de vacances, font leurs comptes.

Aucune enquête sérieuse n’a été faite sur le sujet. Mais, il semble évident d’ores et déjà que les trajets « non essentiels » une fois arrivés à destination risquent d’être réduits. On ne fera pas 100 km pour aller voir un concert ou 40 pour emmener les enfants faire de l’équitation. On flânera moins sur les petites routes de campagne. On ira peut-être aussi de moins en moins loin.

Une bonne et une mauvaise nouvelle à la fois pour le tourisme hexagonal. Une bonne nouvelle en tout cas pour la bicyclette qui verra son augmentation se confirmer. A condition que l’on ne soit pas à court de matériel. Bonne nouvelle aussi pour le TER qui, dans certaines régions comme l’Aquitaine, a prévu de développer une offre touristique afin de lutter contre la saturation des routes et des parkings des grands sites.

Du côté de l’aérien qui se sentait repousser des ailes et s’apprêtait à retrouver des niveaux de 2019, l’inquiétude est de nouveau au rendez-vous. Pour l’UAF, l’avenir est d’autant plus sombre que les tarifs bas qui faisaient l’attractivité de l’aérien ne pourront être tenus. Selon Thomas Juin, certaines lignes risquent de ne plus être rentables compte tenu du renchérissement des tarifs. En bref, prévient-il : « Nous ne savons pas quelles vont être les conséquences, mais elles seront lourdes ».

Enfin, alors que selon l’article de notre consœur, Céline Eymery, les voyagistes français essaient de se montrer optimistes, en faisant miroiter d’autres destinations du monde, notamment outre-Atlantique qui pourraient servir de refuge, il est évident que de nombreuses destinations plus ou moins proches de la Russie ne vont pas se montrer très engageantes.

Et pourtant, la Roumaine, la Bulgarie devenaient été comme hiver (en temps normal) des destinations séduisantes. Quant à la Turquie qui comptait se refaire une santé, on imagine mal sur quel marché, elle pourra retrouver son opulence. Pas le russe en tout cas, comme on l’a déjà dit !

Les Britanniques sentent la nervosité du marché

Côté britannique, d’après nos recherches, extraites du journal Travel Weekly, les voyagistes enregistrent une baisse de régime, la première de l’année. Certes, les annulations ne sont pas encore massives, mais la clientèle semble de plus en plus nerveuse.

Et tout se jouera sur la semaine à venir, traditionnellement très dynamique en matière de réservations estivale. Ainsi, le patron de Holiday Village explique pour sa part que « si la guerre continue, les gens ne vont pas accepter de perdre des arrhes versées 12 semaines à l’avance ».

Les membres d’un réseau évoquent une baisse de 23% sur la Turquie et une baisse globale de 4%. En Espagne, on commence aussi à s’inquiéter en voyant faiblir le rythme des réservations…Et là comme ailleurs, en voyant grimper le prix de l’essence pour atteindre un niveau historique depuis 2012. Un plein en Catalogne représente aujourd’hui 92 euros soit 11 euros de plus qu’en fin décembre. Ce n’est donc pas là qu’on ira remplir son réservoir.

Peur et culpabilité !

Outre des faits économiques objectifs risquant de déréguler une nouvelle fois le marché du voyage, les freins psychologiques ne se limitent pas à l’inquiétude, au stress et à la peur, évoqués plus haut. Certes, selon nous, les populations traditionnellement fragiles parmi lesquelles on trouve les populations les plus âgées et les plus conservatrices ne vont pas se ruer sur leurs écrans pour réserver leurs prochaines vacances.

Mais, un autre sentiment se développe, et bloque les projets d’une part importante de la population : c’est la culpabilité. Dans les classes populaires tout autant que dans les classes favorisées traditionnellement attachées à la justice sociale par le truchement de leurs convictions religieuses, ce sentiment est doublé d’un sentiment d’impuissance.

Dans l’impossibilité de porter secours, excepté via de petits gestes comme l’envoi de dons, on se retranche dans une sorte d’inertie voire de blocage, peu propice aux projets de vacances.

Un malheur en amène un autre

Enfin, après deux années durant lesquelles les contagions et les décés liés au Covid se sont multipliés, les pessimistes ne sont-ils pas enclins à redouter une nouvelle catastrophe susceptible de bloquer la bonne marche du monde ? Et si ce cataclysme prenait la forme d’un épisode climatique grave ?

A l’heure où j’écris, il fait 17 à Paris et il neige en Grèce, notamment sur l’île d’Eubée brûlée l’été dernier par des incendies. L’Australie pour sa part déplore une vingtaine de morts dans des inondations … Et les services de Météo France par exemple alertent sur les canicules à venir…

Les accidents de l’histoire ne doivent plus être vus comme des accidents. Ils sont en train de devenir le quotidien de l’histoire. Nous dansons sur des volcans. Nous marchons sous la pluie… Sans vouloir jouer les pessimistes, nous n’avons donc plus qu’à changer nos modes de vie et de pensée. Dix jours ont ébranlé le monde en 1917. Ils sont déjà 15 aujourd’hui…


Josette Sicsic - DR
Josette Sicsic - DR
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com

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