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FUTUROSCOPIE - Un été 2021 sur la plage : les pratiques balnéaires évoluent-elles ?

Décryptage de Josette Sicsic, Futuroscopie


Les vacances estivales se sont longtemps suivies et se sont ressemblées. Tropisme d’une grande partie des vacanciers, la plage a affiché depuis les années cinquante, le même visage à la fois familial, rassurant, relaxant et divertissant. Alors que tout le monde attend le changement, la plage de l’été 2021 s’inscrira-elle dans cette même continuité ? Oui et non. Une réponse mitigée qui en dit long sur les difficultés de nos sociétés à prendre de grands tournants, y compris en une année aussi atypique que celle que nous vivons. Décryptage.


Rédigé par le Jeudi 22 Juillet 2021

Je reste toujours étonnée par la permanence de bon nombre de pratiques balnéaires. Inchangées depuis les premières heures de la plage, elles risquent fort de ne jamais évoluer et nous permettent de faire la démonstration que les pratiques de loisirs sont relativement imperméables à la nouveauté. - Depositphotos.com boggy22
Je reste toujours étonnée par la permanence de bon nombre de pratiques balnéaires. Inchangées depuis les premières heures de la plage, elles risquent fort de ne jamais évoluer et nous permettent de faire la démonstration que les pratiques de loisirs sont relativement imperméables à la nouveauté. - Depositphotos.com boggy22
… Si tout allait comme le veulent bon nombre de prospectivistes, les plages de l’été 2021 en Méditerranée tout au moins, seraient en pleine mutation. Réactives à la pandémie, elles seraient parmi les premières touchées par le changement.

Certes, si nous prenons quelques exemples, le changement existe et il est même porteur de bonnes nouvelles. Ainsi, l’île de Porquerolles dans le Var a annoncé une limitation du nombre de ses visiteurs journaliers.

Enfin ! Cette « île d’or » avait en effet toutes les peines du monde, et cela depuis des décennies, à résister au déferlement et piétinement de vacanciers venus passer quelques heures sur son littoral.

Du côté des Calanques de Cassis, autre bonne nouvelle pour la planète : l’interdiction des bateaux qui non seulement polluaient la mer et le paysage mais ravageaient la flore et faune marine. Un peu partout sur la Méditerranée, la lutte contre les ancrages excessifs de bateaux de plaisance mettant en péril la posidonie, un rempart végétal sous marin contre le CO2, a donc commencé.

Tout comme celle contre le tabac et les plastiques que des bénévoles s’évertuent régulièrement à ramasser, une fois les derniers touristes partis.


Au chapitre des nouveautés parfaitement visibles et lisibles, notons encore la mise en place de services de navettes régulières, gratuites, intensives vers les plages ainsi que des pistes cyclables de plus en plus nombreuses sur lesquelles les cyclistes se disputent la place avec des trottinettes et autres vecteurs de mobilités « douces ». La voiture enfin commence à être sérieusement boudée.

Mais, par ailleurs et surtout, j’ai été éblouie par les tee-shirts fluos arborés par un enfant sur deux ans environ. Manches plus ou moins longues, cols serrés autour du cou, ces atours glanés auprès des grandes enseignes de sports sont devenus en quelques années indispensables à la protection des peaux fragiles.

Pour les plus sensibles, un bermuda, des lunettes et un chapeau complètent la panoplie anti soleil. Car, celui-ci est désormais bel et bien reconnu comme un ennemi. Ce qui n’empêche pourtant pas bon nombre d’adultes (femmes en tête) de continuer à s’enduire de crèmes afin d’obtenir le teint bronzé qui leur donnera bonne mine.

Paradoxe des temps modernes : on a peur pour les enfants, mais moins pour soi, comme si la pandémie avait fait oublier qu’en dehors du Covid et de ses variants, d’autres risques sanitaires existaient. Quant au souci des apparences, il n’est pas mort. Loin de là. Sur la plage, le corps reste roi et le « paraître » l’emporte sur l’ « être ».

Masque et pass sanitaire

A propos de pandémie d’ailleurs, aucun masque ne couvre encore les visages des vacanciers méditerranéens. Sauf rares exceptions. Sur la plage en tout cas.

Car, sur les marchés et les commerces, la discipline est au rendez-vous. Pour le moment. En attendant la mise en place du pass sanitaire, fortement contesté et redouté par les restaurateurs, organisateurs de spectacles, commerçants et touristes ayant pris du retard sur leur vaccination.

Mais, les plans de circulation alternative comme ceux mis en place l’an dernier (La Grande Motte, Rimini) pour éviter la promiscuité sur les plages, n’ont pas survécu au déconfinement et à l’optimisme du début d’été. Ce qui aurait traduit un changement.

Les horaires décalés de fréquentation dont on aurait pu penser qu’ils allaient aussi se vulgariser (les familles le matin, les seniors le soir…) ont vite été oubliés par les stratégies estivales. De ce côté là donc : pas de grand changement non plus excepté une sensibilité écologique exacerbée poussant les unes et les autres à tenter par de petits gestes de réparer la planète !

Les invariants dominent, la permanence règne

En revanche, je reste toujours étonnée par la permanence de bon nombre de pratiques balnéaires. Inchangées depuis les premières heures de la plage, elles risquent fort de ne jamais évoluer et nous permettent de faire la démonstration que les pratiques de loisirs sont relativement imperméables à la nouveauté.

Ainsi, les enfants jouent au ballon, à des jeux de raquettes ou font tout simplement des châteaux de sable, hier comme aujourd’hui. Mêmes seaux, mêmes pelles, mêmes allées et venues sur le sable mouillé, encouragés par des parents désireux de « faire famille » tout en se détendant.

Comment ? En bavardant entre adultes, en jouant aussi à des jeux de plage, en faisant un peu de sports ou en lisant sous un parasol, de vrais livres en papier !

Dans l’eau, mêmes invariants : quelques bouées multicolores se laissent bercer par les vagues tandis que de nombreux baigneurs barbotent et que rares sont ceux qui démontrent une réelle habilité à « crawler » au large.

Les Français déclarent majoritairement savoir nager mais ils sont paresseux, malhabiles et peu enclins à faire des efforts. Quant aux glisses, elles continuent d’investir les vagues, sur des embarcations certes de plus en plus sophistiquées, mais le principe reste le même : glisser libère, détend le corps et l’esprit et rend euphoriques les plus taciturnes !

Les pique-niques nocturnes : une nouvelle façon de vivre la plage

Autre permanence encore : l’heure du goûter. On offre des glaces, on déballe des sandwiches, de petits biscuits et de moins en moins des bouteilles de plastique. Au contraire, les gourdes sont en train de gagner du terrain. Ce qui est une bonne nouvelle.

Enfin, dés que le coucher du soleil s’annonce, les adultes pensent à l’apéritif, au bistrot quand il y en a ou sur le sable. Et c’est là que surgit le grand gagnant des nouveaux étés : le pique-nique nocturne. Alors que le pique-nique constituait un rituel réservé au déjeuner, il a de plus en plus tendance à dériver vers le soir traduisant ainsi deux phénomènes : d’une part, la chaleur plus intense dissuade beaucoup d’estivants de passer la journée entière sur la plage.

On préfère donc venir se baigner plus tard. D’autre part, l’été reste vecteur de foules et d’une promiscuité de plus en plus redoutée : « On vient le soir, on a la plage pour nous et il fait toujours aussi bon ! » déclarent les vacanciers.

Une attitude qui ne fera que progresser dans les semaines à venir au cours desquelles les non vaccinés recalés par les restaurants, n’auront pas d’autre choix. Il faut dire cependant que, sur le sable, même de nuit quand les étoiles brillent, on a l’impression de vivre une aventure exceptionnelle et de naviguer sur tous les imaginaires positifs que les vacances portent en elles : le voyage, l’inconnu, la liberté, l’immensité et la fête, cette fête qui pour les jeunes est plus transgressive dans le noir de la nuit !

… En résumé, si l’été 1936 a été un « grand tournant », l’été 2021 le sera-t-il ? L’histoire ne se répète pas. Le changement n’est pas une fatalité surtout dans le domaine du loisir où les comportements et pratiques anthropologiques dominent.

Mais, heureusement, on peut se satisfaire du fait que l’écrasante majorité des évolutions de l’offre et des évolutions comportementales se font en faveur de la réparation de la planète et de la protection de sa santé face aux nouveaux ennemis dont l’actualité est malheureusement remplie (dômes de chaleur au Canada, Sud de l’Espagne, inondations en Europe du nord et de l’est, incendies en Californie, typhons en Floride… ).

Et cela, tandis que des décisions et gestes forts sont accomplis par les États. Ainsi, l’Union Européenne a fait 12 propositions dans le cadre d’un plan climat ambitieux destiné à réduire les émissions de CO2 de 55% d’ici 2030.

Sachant que depuis 30 ans, elles n’ont été réduites que de 24%, la tâche est immense et sans doute irréalisable. Il n’empêche que peu de jours passent sans que les medias relaient ces mesurettes prises ici et là pour contrer l’inéluctabilité des drames à venir tandis que de petits gestes se transforment bien à petits pas en nouvelles habitudes.

Josette Sicsic - DR
Josette Sicsic - DR
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com

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