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K. Soleilhavoup (Logis Hotels) : "L’engagement des collaborateurs est à court terme" 🔑

Série spéciale : Comment a évolué le marché de l’emploi ces 25 dernières années ?


TourMaG.com fête ses 25 ans en 2023. A cette occasion, nous lançons une série d’interviews sur l’évolution du marché de l’emploi. Aujourd’hui, Karim Soleilhavoup, Directeur général du Groupe Logis Hôtels fait part de son analyse.


Rédigé par le Jeudi 24 Août 2023

« Dans tous les secteurs, pour chaque chef d’entreprise, l’enjeu numéro 1 est de trouver du personnel et encore plus du personnel compétent », affirme Karim Soleilhavoup, Directeur général du Groupe Logis Hôtels. – Logis hôtels
« Dans tous les secteurs, pour chaque chef d’entreprise, l’enjeu numéro 1 est de trouver du personnel et encore plus du personnel compétent », affirme Karim Soleilhavoup, Directeur général du Groupe Logis Hôtels. – Logis hôtels
TourMaG.com - Le marché de l’emploi dans l’industrie du tourisme, et peut-être encore plus dans l’hôtellerie, est tendu. Comment a-t-il évolué au cours des 25 dernières années ?

Karim Soleilhavoup :
Les difficultés de recrutement ne sont pas propres à cette industrie. Il faut arrêter de jeter l’opprobre sur l’hôtellerie-restauration. Je vous mets au défi de trouver un charpentier-couvreur, un chauffeur poids-lourds, un ambulancier, du personnel pour un service clients…

Dans tous les secteurs, pour chaque chef d’entreprise, l’enjeu numéro 1 est de trouver du personnel et encore plus du personnel compétent.


TourMaG.com - Pour autant, les problématiques liées au recrutement ne sont pas nouvelles dans le tourisme.

Karim Soleilhavoup :
Oui, il y a eu par le passé des pratiques managériales inappropriées. C’est derrière nous. Il y a eu des efforts en termes de management, les chefs d’entreprise se sont formés.

Depuis 4 à 5 ans, un nouvel exploitant sur deux vient d’un autre secteur. Il apporte par la même occasion des compétences managériales : la vigilance sur le paiement des heures supplémentaires, le respect des normes de sécurité, d’hygiène, l’intelligence managériale…

La rémunération directe a été revue pour être au niveau de la profession, voire au-dessus des autres grands groupes, car la difficulté liée à notre organisation est de faire du management de carrière.

Nous compensons par la rémunération le manque de perspectives.


Lire aussi : Les Logis Hôtels se posent en vecteur de développement territorial


"Il peut être plus attractif de proposer un CDD, plutôt qu’un CDI."

TourMaG.com - Quelles sont les attentes des candidats ?

Karim Soleilhavoup :
La première est une plus grande flexibilité horaire ou des périodes.

Ensuite, si le sujet de la rémunération directe est réglé, ce qui est demandé est une logique de package avec repas inclus, par exemple ou l’hébergement. Ils sont à la recherche de compléments.

Ils souhaitent avoir une plus grande distinction entre vie pro et vie perso. Elle encourage une logique d’indépendance, avec un logement individuel.

Aujourd’hui, l’engagement des collaborateurs est à court terme. Dans le domaine informatique, les sociétés travaillent sur des projets, elles font ce qu’elles appellent des sprints.

J’ai le sentiment aujourd’hui, que la plupart des collaborateurs, jeunes ou moins jeunes, sont dans une logique de sprints. Ils vont travailler sur des périodes données, par exemple 6 mois, pour financer un voyage, ou deux ans, pour acquérir un bien. Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont pas engagés quand ils sont en poste.

L’enjeu est de coordonner les deux projets, celui de l’entreprise et du collaborateur, dans une logique de court terme.

Les projets sont de plus en plus individuels et de moins en moins connectés à un projet d’entreprise. Ce n’était pas le cas au début des années 2000. C’est un vrai phénomène de société.

Il s’agit d’une conception du travail qui compte beaucoup moins d’aliénation au travail. Ma génération voulait progresser, avoir de plus en plus d’équipes à manager, augmenter ses revenus. Nous étions dans une logique de bâtisseurs. Aujourd’hui, c’est moins le cas.


TourMaG.com – Cela concerne principalement les jeunes générations ?

Karim Soleilhavoup :
Ce n’est pas une histoire d’âge, mais de rapport au travail. Certains vont s’épanouir, se réaliser par le travail, quand pour d’autres le travail leur permet de réaliser autre chose : créer leur entreprise, financer un voyage, une formation… Ils seront efficaces, engagés, mais pas dans la durée.

Il peut être plus attractif de proposer un CDD, plutôt qu’un CDI. Le CDI peut avoir un effet repoussoir, être un fil à la patte, ce n’est plus un graal.


TourMaG.com – La crise sanitaire a encouragé cette transformation du marché de l’emploi ?

Karim Soleilhavoup :
Le covid a accéléré la tendance.

Le télétravail pointait son nez. En quelques mois, il s’est imposé. Le télétravail permet un mieux-être, de la liberté. Mais il reste totalement injuste, car tout le monde ne peut pas en bénéficier. Cela joue sur l’attractivité de nos métiers.

C’est un facteur d’efficacité opérationnelle, en revanche c’est destructeur en matière de cohésion sociale d’entreprise, d’innovation, de recherche et développement. On le découvrira plus tard.

La question de sens s’est posée avec le covid, car il a permis de faire une pause. Les employés et chefs d’entreprise ont découvert ce que c’était de dîner en famille, de passer du temps en famille. Et se sont dit : « nous étions complétement aliénés, dévorés par notre entreprise. Nous ne vivions que pour le travail. »

Quand tous les employeurs commencent à se poser des questions sur le sens de leur action, de leurs vies, cela a des impacts sur les collaborateurs.

Enfin, on s’est aperçu pendant cette période que l’on pouvait rester chez soi et être payé.

"Cette année, un hôtelier sur deux a plus de mal à recruter des saisonniers"

TourMaG.com - Quid des saisonniers ? Vous aviez prévu 30 000 recrutements de saisonniers cette année. Combien de postes ont été pourvus ?

Karim Soleilhavoup :
Je n’ai pas les chiffres, mais je sais qu’il en manque énormément. Certains hôteliers ferment des services, voire des étages car ils n’ont pas de collaborateurs pour les faire tourner.

Cette année, un hôtelier sur deux a plus de mal à recruter des saisonniers. Ils sont devenus exigeants. Certains ne veulent pas travailler le soir, d’autres demandent un logement individuel. Les hôteliers essayent de répondre aux demandes, mais ce n’est pas possible de trouver des logements individuels pour 30 000 saisonniers.

Pendant le covid, les chefs d’entreprise ont compensé l’absence des collaborateurs. Eux aussi, ont pris conscience de l’inadéquation entre leur vie pro et vie perso, certains préfèrent désormais fermer un soir ou deux pour ne pas avoir à compenser ou pour fidéliser les collaborateurs. Nous sommes dans une forme de décroissance due au manque de personnel, mais totalement assumée par les entrepreneurs.

Nous commençons à voir une tension dans les équipes, entre ceux qui sont engagés sur le long terme, et ceux qui font uniquement ce qui est prévu sur leur fiche de poste. Sauf que c’est un milieu qui connait beaucoup d’imprévus.

Les premiers compensaient parfois le plus faible engagement des seconds, mais ne souhaitent plus le faire. Managérialement, ça devient très compliqué.


TourMaG.com – Le gouvernement a pris des engagements en faveur de l’emploi des saisonniers. . Qu’en pensez-vous ?

Karim Soleilhavoup :
Le sujet est : comment adapter les organisations, le rythme de travail, les missions, pour retrouver de l’attractivité, être compatible avec les attentes des salariés et pour que le chef d’entreprise retrouve un sens à être chef d’entreprise.

Nous sommes au début de ce qui était jugé impossible il y a quelques années : une reconfiguration complète. Par exemple, mettre fin aux coupures était impensable par le passé.

Le seul qui risque d’en subir les conséquences, c’est le client. D’ici quelques temps, ce sera rock’n’roll de trouver un restaurant le dimanche soir.

"(...) cette logique de cloisonnement, va s’accentuer"

TourMaG.com – Qu’avez-vous mis en place pour aider vos adhérents sur le plan RH ?

Karim Soleilhavoup :
Nous avons développé des outils. Le premier concerne le recrutement, avec notre site carrière. Nous aidons les entreprises dans la rédaction de leurs annonces. Nous avons identifié les 60 métiers, qui représentent 80% des recrutements et avons rédigé 60 petites annonces.

Elles sont optimisées pour être claires, valoriser l’appartenance au groupe et pour donner des perspectives.

Le site permet de gérer facilement la prise de rendez-vous pour inviter à un entretien ou refuser une candidature. L’annonce est multi diffusées sur le site de Pôle Emploi, Indeed, l’Apec… Les CV arrivent tous au même endroit.

Pour fidéliser, nous avons mis en place un comité d’entreprise (CE) transverse à l’ensemble des hôteliers et de leurs collaborateurs.

Ensuite, nous avons lancé un site internet d’actualité sociale dédiée au CHR, mis à jour quotidiennement pour répondre aux questions pointues des hôteliers.


TourMaG.com - Quelles sont les principales évolutions qui attendent le secteur à horizon de 5 ans ?

Karim Soleilhavoup :
Cette logique de recherche de sens est extrêmement prégnante. Le sens est différent en fonction des profils. C’est aussi vrai pour les chefs d’entreprise. Car s’ils se détournent du secteur du fait des difficultés de recrutement, il y aura moins d’emplois.

On commence à constater une forme de consolidation, avec des hôteliers qui ont deux ou trois hôtels. D’abord car certains n’en veulent plus. Cela permet de créer de la flexibilité entre les postes des établissements, à condition qu’ils soient à proximité.

Le télétravail va continuer à se développer, quand il sera possible.

L’équilibre vie professionnelle et vie personnelle, ou plutôt cette logique de cloisonnement, va s’accentuer. Le soir à 19h, certains, à des postes opérationnels, éteignent leur téléphone, ils ne sont plus joignables, ça ne se faisait pas avant le covid.

Je le respecte et le comprend, mais j’aurai un niveau d’exigence plus élevé sur la période d’activité.

L’évolution de carrière ne répond plus à un programme type, mais diffère d’une personne à l’autre. Il est indispensable d’écouter chaque collaborateur pour connaître ses attentes.

Groupe Logis Hotels en chiffres :

- Un portefeuille de 6 marques (Singuliers Hôtels, Demeures & Châteaux, Logis Hôtels, Cit'Hotel, Urban Style et Auberge de Pays),
- Plus de 2000 établissements répartis dans 9 pays
- 1,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires
- 16 431 emplois directs Equivalent temps plein (ETP)
- 30 000 postes de saisonniers à pourvoir à l’été 2023

Caroline Lelievre Publié par Caroline Lelievre Journaliste - TourMaG.com
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