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Laurent Magnin : "bouger, visiter, découvrir, est le propre de l’homme" 🔑

l'interview de Laurent Magnin, ancien patron de XL airways


Fidèle de l’APG World Connect, Laurent Magnin, ancien patron de XL Airways liquidée en 2019, avait fait le déplacement à Malte. L’occasion pour TourMag d’échanger avec cet homme « atypique » dans le transport aérien et qui garde son franc parler. Interview.


Rédigé par le Jeudi 3 Novembre 2022

Laurent MAGNIN : Il y a une grande souffrance dans l’aérien, dans les problématiques de management et je pense que les apports d’expériences ont du sens pour les générations qui arrivent et les défis actuels © Jean Chiscano
Laurent MAGNIN : Il y a une grande souffrance dans l’aérien, dans les problématiques de management et je pense que les apports d’expériences ont du sens pour les générations qui arrivent et les défis actuels © Jean Chiscano
TourMaG : Quelles sont vos activités aujourd’hui, du conseil ?

Laurent Magnin :
Oui et de l’accompagnement. En étant rentré dans le transport aérien en 1975 cela me fait une expérience de 48 ans dans ce métier, dont 25 ans comme cadre responsable chez Corsair puis Président de compagnies aériennes.

TourMaG : Votre activité est-elle ciblée sur les compagnies aériennes ?

Laurent Magnin :
Pas seulement. J’ai beaucoup de liens avec des dirigeants d’entreprise face à une relation au travail qui a complètement changée chez leurs collaborateurs, qui semble avoir « explosée en vol » avec le Covid.

Certains ont des réponses, d’autres pas et je suis à leur disposition avec ma vision du management que beaucoup de gens connaissent.

J’ai eu une relation fusionnelle avec mes équipes, sans jamais de grève. J’ai été extrêmement fier de mes salariés qui ont eu un engagement formidable. L’engagement des collaborateurs, il dépend beaucoup de l’écoute des dirigeants envers leurs équipes.

Je trouve qu’il y a aujourd’hui des modèles de management qui ne sont pas du tout à la hauteur de ce qu’attendent les nouvelles générations dans leur bien être de l’entreprise. Ce sont de vrais sujets.

Je revendique ma personnalité atypique. Je n’ai pas fait d’études, je ne suis pas dans des carcans, je ne rentre pas dans un tableau Excel, c’est ce qui me caractérise, et ne rentrant pas dans ce genre de tableau, j’estime que souvent les solutions de management ou de remise en ligne d’équipes ne doivent pas partir de modèles supposés.

Moi-même j’ai fait appel dans ma carrière à des consultants. J’ai beaucoup de respect pour eux mais j’ai été frappé de les voir arriver systématiquement avec des modèles tout préparés, comme si chaque entreprise devait avoir les mêmes réponses.


Les compagnies de taille moyenne porteuses de la véritable énergie du transport aérien

TourMaG : Votre présence au World Connect démontre que vous restez actif dans le métier, dans le secteur de l’aérien ?

Laurent Magnin :
C’est un métier formidablement beau, formidablement dur et aujourd’hui des gens de ma générations ne peuvent pas se couper de ce métier.

Il y a une grande souffrance dans l’aérien, dans les problématiques de management et je pense que les apports d’expériences ont du sens pour les générations qui arrivent et les défis actuels.

Ici au World Connect, qui est probablement un des plus beaux meeting de l’aérien, on voit bien que cette industrie est vitale pour la stabilité de la planète et que l’aérien est profondément indispensable.


TourMaG : C’est un message que vous portez depuis longtemps…

Laurent Magnin :
Oui je le dis depuis des années, l’aérien est un des rares facteurs de paix dans un monde qui va mal. Aussi la focalisation outrancière du message écologique sur l’aérien n’est pas bonne. Cette industrie fait des efforts colossaux, bien plus que d’autres dont on parle assez peu, alors que leur signature carbone est dix fois supérieure à l’aérien.

Je suis effaré par le discours actuel qui consiste à culpabiliser le transport de l’être humain alors que bouger, visiter, découvrir est le propre de l’homme.


TourMaG : Vous le disiez déjà avec une formule toute simple je vous cite : "Voyager rend moins con"...

Laurent Magnin :
J’en suis convaincu. J’estime que le jeune homme que j’étais à 20 ans qui ne connaissait pas le monde a beaucoup changé à travers la découverte des autres. J’ai des amis absolument partout. Ici dans le bassin méditerranéen ou à l’autre bout du monde.

C’est l’aérien qui m’a apporté ça. L’aérien, le tourisme sont des métiers qui ne connaissent pas de frontières et aujourd’hui les fauteurs de guerre sont des gens debout sur les frontières.

Nous sommes dans des métiers qui sont peut être une des seules réponses à cette problématique guerrière.
Je suis très inquiet. On parle du réchauffement climatique, c’est très important mais je vous le dis, j’ai peur que le nationalisme nous fasse exploser avant le réchauffement climatique. Le problème de la folie des homme est le plus immédiat.


TourMaG : Comment voyez-vous la situation du transport aérien aujourd’hui ? Quelles sont vos préoccupations ? Je vous ai vu assez « offensif » dernièrement dans un débat en présence du directeur de la DGAC au sujet de l’accord de ciel ouvert entre l’Europe et le Qatar par exemple…

Laurent Magnin :
Sur ce point-là, ce n’est pas le Qatar en tant que tel qui me pose un problème. C’est notre invraisemblable naïveté sur le plan économique dans ce monde libéralisé.

La libéralisation partout quand on obéit pas aux mêmes règles économiques c’est un vrai sujet.


TourMaG : Y a-t-il un avenir pour les compagnies de taille moyenne ?

Laurent Magnin :
Je me suis toujours battu et j'ai toujours défendu le principe que les compagnies de taille moyenne étaient porteuses de la véritable énergie du transport aérien.

TourMaG : Plus de réactivité ? D’adaptabilité ?

Laurent Magnin :
Oui. Et il faut souligner que si on regarde l’histoire des compagnies aériennes françaises, je n’ose même pas imaginer le nombre de voyages que n’auraient pas fait mes compatriotes s'il n’y avait pas eu, même sur l’hôtel du sacrifice des compagnies telles que XL Airways ou ces vingt ou trente autres compagnies qui ont existées dans ce pays.

Il faut le dire ! Nous les dirigeants de ces compagnies françaises nous avons l’honneur d’avoir été la vraie concurrence.


TourMaG : ... Auprès d’un mastodonte qui détenait un monopole et qu’il a fallu attaquer

Laurent Magnin :
Oui et on ne mesure pas la violence de cette bataille. Il fallait être quelque part un peu fou pour se dire qu’avec trois ou quatre avions on allait pouvoir offrir autre chose en terme de tarifs par rapport à des géants comme Lufthansa, British Airways et Air France ces grands opérateurs qui, sur les cinquante dernières années n’ont pas été les « drivers » de la démocratisation du transport aérien.

Je respecte ces grandes compagnies qui ont assuré la connectivité de l’Europe avec le reste du monde. C’est capital mais en même temps je leur déni ce rôle de démocratisation et je remarque que ce sont principalement ces grands groupes qui ont bénéficié des dizaines de milliards d’euros d’aide pendant le Covid.

Je redis l’importance de toutes ces compagnies « Medium Size » dont Jean-Louis Baroux a souligné récemment dans un article l’importance.

Je suis très sensible à ce que fait la famille Baroux avec le World Connect qui s’attache à faire vivre, exister et faire dialoguer toutes ces compagnies ensemble.


TourMaG : Que diriez-vous a un entrepreneur qui souhaiterait lancer une compagnie aérienne aujourd’hui ?

Laurent Magnin :
Il faut être sûr d’apporter quelque chose. Si vous n’êtes pas en mesure d’apporter quelque chose d’important comme du service, un prix ou des dessertes de points qui n’existent pas il ne faut pas y aller.

Sonde Pitot A330 : "nous avons pris la décision d'arrêter cette première génération de sondes"

TourMaG : Parce que le procès se tient en ce moment, on reparle beaucoup de l’accident de l’airbus A330 du vol AF 447 Rio – Paris. Quand vous étiez Président d’XL Airways équipée d’Airbus A330 vous avez également vécu sur un vol ce problème de givrage des sondes Pitot. Que s’est-il passé précisément sur ce vol ?

Laurent Magnin :
Cette nuit-là le 12 septembre 2008, et cela a été assez peu mentionné, nous avons eu probablement avec XL Airways la panne la plus longue quant au givrage des sondes. On a frôlé les quatre minutes.

Je dois aussi vous faire part d’une particularité : la panne des sondes a eu lieu 30 minutes avant l’arrêt de ma maison mère XL Airways UK.

Nous avons donc été confrontés à une situation de crise majeure pour la petite équipe XL Airways que nous étions.


TourMag : Que s’est-il passé concrètement sur ce vol ?

Laurent Magnin :
Concrètement notre avion a décollé de nuit de Punta Cana avec une météo dégradée avec énormément de cunimb (Cumulonimbus : nuage très dense, caractéristique des phénomènes orageux ndlr).

Dans le passage météo le plus délicat, l’équipage a connu le givrage des sondes Pitot (perte des indications de vitesse ndlr) qui va durer un peu moins de quatre minutes.

L’équipage a alors appliqué la même chose que les pilotes d’Air Caraïbes ayant aussi vécu cette situation 15 jours avant. Le Commandant de bord a géré le vol en maintenant l’assiette de l’avion et la puissance des moteurs et a pris la décision de faire demi-tour vers la République Dominicaine.


TourMag : A la suite de ce vol vous avez pris des décisions ?

Laurent Magnin :
Après l’interview de l’équipage, notre Directeur Technique, Jean-Pierre Fachinetti a pris la décision d’immédiatement arrêter cette première génération de sondes que nous avions sur nos Airbus A330.

TourMag : Petite entreprise meilleure réactivité ?

Laurent Magnin :
Oui et aussi de part ce statut que j’avais de PDG "dirigeant responsable."* Tous les PDG de compagnies ne le sont pas forcément.

Je disais, avec un peu d’humour, qu’une panne à l’autre bout du monde dans une très grande compagnie ça ne réveille pas forcement le Président. En revanche un Marc Rochet, un Laurent Magnin, le patron d’Air Tahiti Nui, d’Air Austral, de Corsair, quand il y a une panne moteur on le réveille dans les 10 minutes.

On est pas dans le même monde et cela est dû à la taille de l’entreprise qui favorise le circuit court.


*La réglementation européenne impose à toute compagnie aérienne de nommer un dirigeant responsable. Celui-ci il supervise l'exploitation aérienne, l'exploitation sol, l'entretien et la maintenance. Le dirigeant responsable n’est pas forcement le PDG de la compagnie.

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Commentaires

1.Posté par Castagné le 03/11/2022 11:39 | Alerter
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Merci pour l’ensemble de vos reportages et articles !!

2.Posté par André le 03/11/2022 13:08 | Alerter
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Je vous apprécie comme chef d’entreprise M. Magnin mais le propre de l’homme se fait rattraper par l’urgence écologique et le transport aérien ni échappera pas, c’est une question de vie ou de mort !

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