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Voyage d’affaires : entre incertitudes économiques, essor du rail et percée de l’IA [ABO]

L'oeil de l'AFTM


Face à un contexte économique mondial fragilisé et à des tensions géopolitiques croissantes, le secteur du voyage d’affaires fait preuve d’une résilience pragmatique.


Rédigé par le Vendredi 9 Mai 2025

Malgré des indicateurs économiques européens en berne au premier trimestre 2025, le voyage d’affaires se maintient. @depositphotos/06photo
Malgré des indicateurs économiques européens en berne au premier trimestre 2025, le voyage d’affaires se maintient. @depositphotos/06photo
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Les indicateurs économiques en Europe peinent à rassurer : stagnation confirmée pour l’économie allemande, recul de la consommation en France, investissements à la baisse et reprise du chômage. Aux États-Unis, la surprise est venue d’un PIB en recul de 0,3 % au premier trimestre, conséquence des politiques protectionnistes de Donald Trump.

Les tensions géopolitiques, notamment entre l’Inde et le Pakistan, ajoutent une couche d’incertitude, particulièrement sensible pour certaines entreprises déjà soumises à des protocoles de sécurité très stricts.

Patricia Morosini, directrice du voyage d’affaires chez Selectour, observe un ralentissement des dynamiques de croissance comparé au début de 2024, mais aucune coupure franche : « Les PME, notre cœur de clientèle, restent agiles, flexibles et réactives. Elles maîtrisent leurs coûts mais ne stoppent pas leurs déplacements. »

Le train reste en croissance, tandis que l’aérien est stable. Le voyage d’affaires vers les États-Unis, contrairement au loisir, ne montre pas encore de signe de repli.

Julien Chambert, Head of Account Management chez Hcorpo, confirme cette prudence « sectorielle » : « le luxe est à la peine, tandis que les grands comptes maintiennent leurs flux grâce à leurs implantations locales. Les contraintes administratives liées à l’entrée sur le territoire américain sont identifiées comme le principal facteur de risque à surveiller. »

Frédéric Burban, chef de produit Ethiopian Airlines chez APG, dresse un constat contrasté. Si le trafic vers l’Afrique est en nette progression, celui vers l’Amérique du Nord montre des signes de faiblesse sur le segment loisir (jusqu’à -30 %), alors que le corporate, bien que réduit, reste plus résilient.

WestJet, compagnie aérienne canadienne, par exemple, a vu son taux de segmentation corporate passer de 55 % à 40 %. Malgré des taux de remplissage élevés, les hausses tarifaires ont été freinées grâce à la nouvelle taxe de solidarité (TSBA) et à la baisse du pétrole, évitant une flambée des prix en 2025.

Jessica Lukyamuzi, Market Development Manager à l’aéroport de Bruxelles, confirme une stabilité du business travel vers les États-Unis. Les grandes destinations MICE comme Las Vegas continuent d’attirer, et l’ajout d’une ligne vers Atlanta en juin répond à cette demande. Le loisir affiche un léger recul (-8 à -10 %) mais reste soutenu par des prix attractifs vers des villes comme New York.


Le train poursuit son essor dans le voyage d’affaires

Malgré la grève SNCF annoncée du 5 au 8 mai, l’impact sur les déplacements professionnels devrait rester marginal, en raison du pont du 8 mai qui limite le volume de voyageurs d’affaires sur cette période.

Mais au-delà de cet épisode ponctuel, la dynamique de fond reste très favorable au rail. Après une année 2024 marquée par une forte progression du train dans les politiques de déplacement des entreprises, 2025 semble bien partie pour confirmer cette tendance.

« On est toujours en progression, confirme Patricia Morosini.  Le train continue de gagner des parts de marché, que ce soit sur l’aérien ou sur la voiture, porté par une logique de mobilité plus durable dans un cadre RSE . »

Elle note également un élargissement des critères d’usage : « De plus en plus d’entreprises encouragent désormais le train pour des trajets jusqu’à quatre heures, alors qu’on restait auparavant sur une limite de trois heures, typiquement sur des Paris - Bordeaux. Le gain de temps est aussi dans la capacité à travailler pendant le trajet. »

Julien Chambert abonde : « C’est particulièrement vrai à l’échelle européenne. Le réseau ferré en France et en Allemagne, notamment, offre aujourd’hui une réelle alternative performante à l’avion sur de nombreuses destinations. »

Cartes virtuelles : un outil prometteur encore freiné par des limites terrain

L’Association Française du Travel Management (AFTM) organisait le 6 mai 2025 une table-ronde.@ capture d’ecran
L’Association Française du Travel Management (AFTM) organisait le 6 mai 2025 une table-ronde.@ capture d’ecran
Vingt ans après leur apparition, les cartes virtuelles sont devenues un outil incontournable pour la gestion des dépenses hôtelières dans les déplacements professionnels. Leur usage s’est largement démocratisé, en particulier pour sécuriser les paiements tout en limitant les risques de fraude. Mais malgré leur efficacité théorique, leur mise en œuvre reste encore perfectible.

Selon Business Travel News, 25 % des transactions par carte virtuelle échouent encore aujourd’hui, principalement à cause de deux freins persistants : l’acceptation limitée par certains hôteliers au moment du check-in, et l’émission incomplète ou absente de la facture après le séjour.

Patricia Morosini confirme : « La carte virtuelle est venue pour résoudre les problématiques de fraude, mais elle n’a pas solutionné celles liées à l’acceptation ni à la facturation. » Elle pointe notamment la méconnaissance du procédé par certains hôtels indépendants et un manque d’harmonisation des pratiques. « Beaucoup de voyageurs nous appellent encore depuis la réception, à qui on demande de régler à nouveau alors que l’hôtel a déjà été payé. »

Julien Chambert (Hcorpo) va plus loin et évoque une nécessité de professionnalisation du circuit hôtelier : « En Europe, on reste sur une hôtellerie fragmentée, avec beaucoup d'indépendants. Pour que ça fonctionne, il faut combiner technologie et pédagogie : appels, contrôles qualité, sensibilisation... C’est chronophage, mais essentiel. »

Le recours à des agrégateurs de paiement spécialisés semble aujourd’hui être une piste efficace. « Quand on passe par une solution comme la nôtre, 100 % des factures sont émises car 100 % de l’hôtellerie est payée de manière sécurisée », précise Julien Chambert.

Ces intermédiaires offrent aussi un suivi systématique auprès des établissements, réduisant drastiquement le taux d’incidents : « Nous prenons des engagements pour descendre sous les 1 % d'échec, là où le marché est encore autour de 8 %. »

Enfin, un argument inattendu mais révélateur a été souligné lors de la table ronde par François-Xavier Izenic : « La panne électrique géante qui a touché l’Espagne et le Portugal la semaine dernière a été une forme de publicité involontaire pour les cartes virtuelles. Là où les paiements traditionnels étaient paralysés, les solutions dématérialisées ont permis de sécuriser les transactions. »

L’IA agentielle, prochain tournant du voyage d'affaires ?

Alors que le secteur du voyage d’affaires a longtemps été perçu comme en retard par rapport au tourisme de loisirs en matière de technologie, l’avènement de l’ intelligence artificielle agentielle pourrait bien inverser la donne.

Contrairement à l’IA générative, l’IA agentielle agit comme un assistant personnel autonome, capable par exemple d’organiser des voyages de A à Z, de la recherche à la réservation.

Selon un article de Business Travel News, cette technologie pourrait offrir au voyage d'affaires une avance inédite, grâce à sa capacité à automatiser des tâches complexes tout en intégrant les contraintes spécifiques du corporate travel (politiques voyages, validations internes, budget, etc.).

Les géants du paiement comme Visa et Mastercard anticipent cette mutation : ils annoncent déjà la mise en place d’architectures permettant aux agents IA d’effectuer directement des achats, y compris la réservation de billets ou d’hôtels, sous supervision humaine.

L’impact pourrait être majeur sur l’écosystème du voyage d'affaires, en fluidifiant la réservation, la validation ou encore la gestion des tarifs non remboursables.

Patricia Morosini de Selectour, se montre mesurée : « Le voyage d'affaires est plus complexe que le loisir, il ne s’agit pas uniquement de trouver le meilleur prix. »

Mais elle reconnaît que l’IA agentielle pourrait transformer la manière dont les demandes sont exprimées et traitées : « L’IA permettra de pousser automatiquement les meilleures offres , contextualisées en fonction des besoins précis du voyageur. »

Julien Chambert, note quant à lui que les apports les plus tangibles dans l’immédiat concernent surtout l’optimisation en back-office : détection des urgences, amélioration du reporting...

Pour lui, le vrai changement viendra lorsque l’ensemble des acteurs (agences, OBT, SBT, fournisseurs) parviendront à synchroniser leurs systèmes autour de ces nouvelles technologies.

Dans ce climat mouvant, une chose semble certaine : les entreprises qui sauront combiner agilité économique, responsabilité environnementale et adoption intelligente des nouvelles technologies seront les mieux armées pour façonner le voyage d'affaires de demain.


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