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FUTUROSCOPIE - Longs séjours : qui seront les prochains migrants climatiques ? 🔑

Le décryptage de Josette Sicsic (Futuroscopie)


Alors que l’inflation flambe et que les factures énergétiques s’annoncent « salées », d’aucuns voient l’avenir « ailleurs ». Là où le soleil est bienveillant et où des tarifs doux permettent de profiter de longs séjours sans se ruiner. Active ou retraitée, cette clientèle devra troquer sa casquette de touriste en casquette de « migrants climatiques ». Car, n’ayons pas peur des mots, c’est bien de cela qu’il s’agit. Un phénomène majeur pour certaines destinations et l’avenir du tourisme, mettant par ailleurs de plus en plus hors-jeu la vogue des courts séjours.


Rédigé par le Mercredi 5 Octobre 2022

Au Maroc et notamment au sud d’Agadir et désormais dans d’autres bourgades du sud marocain, les longs séjours de retraités européens ont aussi une longue histoire derrière eux - Depositphotos.com Auteur Iakov
Au Maroc et notamment au sud d’Agadir et désormais dans d’autres bourgades du sud marocain, les longs séjours de retraités européens ont aussi une longue histoire derrière eux - Depositphotos.com Auteur Iakov
Selon Brian Chesky, le patron de AirBnb, un cinquième de la clientèle de la plateforme opte désormais pour des séjours longs de plus d’un mois.

Un phénomène post-covid pour une entreprise qui avait plutôt tendance à vendre des city-breaks dans des capitales nationales et régionales.

Depuis que le monde du travail a basculé du tout au tout, il va de soi que l’organisation du temps passé hors du domicile, a augmenté et que cela constitue un phénomène déterminant pour l’activité touristique. Mais revenons un peu en arrière et sur les expériences menées par toutes sortes de destinations ensoleillées.


Pour les Canadiens, notamment les Québécois, voilà bien longtemps que les longs séjours hivernaux à Cuba sont entrés dans les mœurs.

Vendus par toutes sortes de voyagistes notamment dans des stations comme Varadero ou Cayo Coco, ces séjours « all inclusive » se vendent, billets d’avion compris, à 2 200 euros en moyenne par personne pour 28 jours.

Vacances selloff par exemple, un spécialiste, vend également les Bahamas, Costa Rica, le Mexique… tandis que des dizaines d’autres opérateurs canadiens déploient une offre de longue durée très prisée par des populations confinées dans leurs intérieurs durant de longs mois d’hiver. Certes, les tarifs ne sont pas partout les même qu’à Cuba. Ils sont deux fois parfois trois fois plus élevés.

En Floride, même constat, et ce depuis des décennies. Des stations comme Miami, Fort Lauderdale et même Palm Spring voient s’installer pour l’hiver des milliers de retraités nord-américains. Hébergement en résidences secondaires, hôtels, appartements et villas de location ? Pas seulement.

La Floride compte toujours de ces immenses villages de mobile-homes pour seniors où tout est prévu pour le confort d’une clientèle souvent d’habitués qui se retrouvent et passent d’excellents moments ensemble autour de parties de golf ou de pêche et de tennis.

On ne compte pas non plus les camps de camping-caristes où des clientèles à peine moins favorisées font des économies sur l’hébergement afin de mieux profiter des activités de loisirs.

Les camping-caristes reprennent les routes du sud marocain

Ailleurs, au Maroc et notamment au sud d’Agadir et désormais dans d’autres bourgades du sud marocain, les longs séjours de retraités européens ont aussi une longue histoire derrière eux.

En mobile homes de location (ou achetés), les seniors étaient, avant la pandémie, plusieurs milliers à venir passer l’hiver au soleil. Et, il semblerait bien qu’ils soient en train de reboucler leurs valises.

Mais, il y a aussi les camping-caristes qui traversent l’Espagne, le détroit de Gibraltar et tout le royaume chérifien avant de planter leur toit sur ces immenses terrains de camping que le gouvernement marocain a autorisés depuis quelques années.

Seul souci : les visas ne sont Ă©tablis que sur 3 mois. Ce qui oblige les heureux hivernants Ă  retourner en Espagne se faire tamponner leur passeport avant de revenir pour 3 autres mois !

Pour profiter du sud tunisien, le voyage est plus compliqué. La Tunisie attire donc moins de monde. Mais, d’aucuns se souviendront que le Club Sangho (aujourd’hui disparu des écrans) avait inauguré des formules de longs séjours dans ses clubs de Djerba et Zarzis et que Fram offrait à Marrakech et Agadir des séjours de 6 semaines en pension complète pour environ 2000 euros.

Le tout dans une atmosphère joyeuse et un confort absolu ! Quant à l’Algarve, au Portugal, il est également sur les rangs des favoris des longs séjours depuis longtemps. Les caisses d’assurance maladie des Pays-Bas par exemple, ne négociaient-elles pas directement avec les hôtels pour acheminer leurs membres dans la région ?

Les Canaries partent campagne sur les longs séjours

Mais, alors que certaines de ces expériences semblent avoir tourné court (seul Fram propose le Maroc, la Tunisie, le Sénégal en Framissima avec des discounts de 15% pour des séjours allant jusqu’à 63 jours), les champions toutes catégories de ces longues vacances restent les îles Canaries dont l’Espagne a fait quasiment une maison de retraite à ciel ouvert.

Là, depuis les années cinquante, les Européens du nord frigorifiés viennent lézarder au soleil durant de très longues semaines. Désignés par le logo « hôtels pour adultes », ces établissements offrent des séjours pouvant durer jusqu’à 10 semaines.

A des tarifs forfaitaires modulés sur la catégorie de l’hôtel. Sans compter qu’ils ont la sagesse et la prudence de proposer également des services médicaux de proximité. Tellement bien rôdées pour accueillir les seniors, leurs stratégies fonctionnent avec succès.

Mais, elles devraient fonctionner encore mieux cette année car le gouvernement des Canaries s’apprête à lancer une campagne de grande envergure sur 12 marchés européens et le marché nord-américain, d’un coût de 1.5 million d’euros.

Que dira t-elle ? En gros, elle clamera, comme l’indique la conseillère au tourisme Yaiza Castilla au journal Diario de advisos, qu’ « aux Canaries, nous n’avons pas besoin de chauffage. Nous avons la meilleure qualité de vie, un bon système de santé et pouvons offrir à un télétravailleur tour ce qu’il souhaite durant les mois où dans son pays, il fait froid et où tout devient cher notamment les factures de chauffage ».

Un argument chauffage en béton, sur lequel le tour-operator allemand FTI a déjà parié en renforçant les liaisons aériennes entre Allemagne et l’archipel. Il sera ainsi à même de proposer environ 100 vols vers Tenerife, Fuerteventura et la Grande Canarie ainsi que des séjours en hôtels tout compris.

Quant à Airbnb, il s’en réjouit d’autant plus que sa clientèle canarienne a doublé entre le début janvier 2021 et l’été 2022. C’est que la clientèle de seniors n’est résolument plus toute seule à s’offrir de tels séjours. Les télétravailleurs, on l’aura compris, sont désormais devenus une cible prioritaire capable à la fois de rajeunir la clientèle des îles et de dépenser généreusement ses revenus.

De plus en plus souvent, constituée de familles (alors qu’auparavant 83% étaient des solos), cette clientèle dont l’essor est réel et spectaculaire, constitue le seul véritable cadeau qu’aura fait la pandémie au secteur touristique.

L’embarras du choix, partout dans le monde

Et d’où vient-elle ? Pour le moment, compte tenu des longues périodes de confinement observés par certains pays européens, ce sont les Allemands qui dominent le marché.

Ils sont 27%, suivis par les Britanniques : 12% et les Pays-Bas : 10%. Mais, les Espagnols cherchent et chercheront aussi de plus en plus refuge aux Canaries ainsi que les Irlandais et autres nord-américains. Trois nationalités déjà estimés à 6,6%.

En 2021, Nomad List, l’excellent portail de référence sur les conditions de vie offertes aux télétravailleurs dans le monde entier, a chiffré à 47.000 les nomades numériques qui ont atterri dans l’archipel, dépassant l’objectif de 30 000 que le gouvernement de l’île s’était fixé.

Mieux, selon les estimations, ces séjours font entrer dans les caisses des dépenses moyennes de 3.171 euros par personne et voyage soit 150 millions d’euros en 2021.

Autrement dit, un segment qui représentait 0,8% du total des recettes de 2021 est passé à 2.12% Et, à première vue, 2022 qui a déjà enregistré l’arrivée de 35.400 télétravailleurs pour les 6 premiers mois de l’année devrait terminer l’exercice avec des performances records car d’ores et déjà, à la fin juin, le volume des recettes était de 112 millions d’euros.

A noter enfin qu’Airbnb a classé les Canaries parmi les six meilleures destinations où télétravailler au chaud. Mais Lisbonne n’est pas très loin non plus.

Des économies substantielles sur les factures de gaz et électricité

Une fois ces constats faits, la question majeure consiste à comprendre si la vague est irréversible et capable d’accueillir d’autres segments de clientèles ou au contraire, si elle refluera vers une situation pré-Covid. Si l’on reprend l’avis du patron d’Airbnb : il n’y aura pas de retour en arrière.

Le télétravail sur écran est entré dans les mœurs et imposera ses nouveaux rythmes à des tranches grandissantes de la population. Si l’on prend les statistiques, elles sont sans appel : aux USA, on estime qu’un Américain sur quatre télétravaillera d’ici 2025. En France, c’est un sur trois et la moyenne de télétravail est de 3.6 jours par semaine (étude Dares). En Belgique et au Royaume-Uni, les effectifs dépassent les 40% !

Mais, n’oublions pas que ce sont les indépendants télétravaillant qui peuvent le mieux organiser leur temps de travail et se permettre de s’offrir de longs séjours. Encore faut-il qu’ils n’aient pas d’enfants scolarisés.

… Bien des conditions doivent donc être réunies pour que les très longs séjours poursuivent leur essor et transforment les touristes d’hiver en touristes climatiques.

S’ajoutant aux quelque 250 millions de réfugiés climatiques prévus dans le monde en 2050, il semble cependant clair que les crises énergétiques conjuguées à l’inflation contribueront à transformer les destinations n’ayant pas besoin de faire grimper le thermomètre de leurs hébergements touristiques pour faire des heureux.

Un paramètre inédit pour une société comme la nôtre où rien ne nous annonçait de tels changements.

Le tourisme senior aux Canaries en chiffres

En matière de tourisme aux tempes grises, le service statistique canarien estime à plus de 5 millions leur nombre, soit plus de 30% du tourisme canarien. Lesquels rapportent à l’archipel des recettes de près de 3000 euros par personne contre 1137 euros en moyenne. Voyageant en couples, ces seniors viennent directement en avion et réservent directement leur logement. Ce sont de grands excursionnistes car ils visitent volontiers les autres îles, visitent les caves à vin, apprécient la gastronomie, font le tour des musées. Des activités d’autant plus appréciables que cette clientèle est fidèle. Quant à ceux qui viennent en longs séjours, en 2019, ils étaient 131.600, ont passé 50 nuits et généré des recettes globales de 383 millions d’euros.

Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com

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