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Ukraine : un voyage pour rappeler que le pays n’est pas oublié ! [ABO]

Retour sur un voyage de quelques heures, paradoxal et émotionnellement fort


Il y a plus de trois ans, la Russie attaquait l’Ukraine. Alors que les Occidentaux et Vladimir Poutine s’attendaient à une défaite rapide de l’armée ukrainienne, il n’en fut rien. Aujourd'hui, pendant que Donald Trump tente une amitié obscure avec le président russe, les Ukrainiens défendent fièrement chaque mètre carré de leur territoire. En guise d’espoir, d’un futur plus joyeux et de solidarité avec un peuple meurtri, des professionnels français du tourisme, accompagnés de Valérie Trierweiler, se sont rendus quelques jours à Lviv. Voici le témoignage poignant de Fabrice Del Taglia, directeur général de Nomade Aventure.


Rédigé par le Vendredi 5 Septembre 2025

Le témoignage de Fabrice Del Taglia suite à son voyage à Lviv en Ukraine - Crédit photo : Fabrice Del Taglia
Le témoignage de Fabrice Del Taglia suite à son voyage à Lviv en Ukraine - Crédit photo : Fabrice Del Taglia
Ce n’est sans doute pas le voyage d’une vie, tel que nous pouvons tous en rêver, mais probablement l’un des plus émouvants.

Une poignée de professionnels du tourisme français, accompagnés de deux journalistes et de Valérie Trierweiler, ont fait le déplacement en Ukraine.

Ce voyage n’avait rien d’un programme de tourisme macabre, dans la mouvance du dark tourism. Il portait avant tout une dimension symbolique, en signe de soutien à une population éprouvée par trois ans de guerre face à son très (trop) grand voisin russe.

Après avoir atterri à Cracovie, des voitures officielles ont permis à la petite délégation de franchir la frontière pour rejoindre Lviv. Cette ville de près d’un million d’habitants, la plus grande de l’ouest du pays, accueille une dizaine d’ambassades ayant fui Kiev.

Elle reste par ailleurs relativement épargnée par les bombardements russes.

"L’organisateur (Pascal Falcone, accompagné d’Olga Sansone, la directrice de Vacanture) n’a essuyé que des refus, et même des désistements à quelques jours du départ, en raison d’une attaque qui avait frappé la ville le 21 août dernier.

J’étais partagé à la lecture de l’invitation, même si j’avais plutôt un a priori positif. Le conflit s’éternise et il y a un risque que les gens oublient ce qu’il se passe là-bas. Mais il y avait aussi toute une portée symbolique : montrer aux Ukrainiens que nous sommes à leurs côtés,
nous confie Fabrice Del Taglia, le directeur général de Nomade Aventure, qui a participé au voyage.

De plus, on ne peut pas balayer d’un revers de la main ou d’un mail supprimé les valeurs et le rôle du tourisme. Même s’ils paraissent anecdotiques dans ce genre de situation, ils comptent énormément, car ils ouvrent la voie à des lendemains plus heureux".


Ukraine : "Rien ne montre que la vie est affectée par la guerre..."

Au moment de se rendre à Orly pour prendre son vol vers Cracovie, le patron du tour-opérateur n’était pas particulièrement inquiet, même s'il n'a mis ses parents dans la confidence qu'à son retour en région parisienne.

"Le risque n’est pas inexistant, nous étions dans un pays en guerre, en plein centre-ville, dans un hôtel ; et puis les Russes ont bombardé des bâtiments de l’ONU à Kiev. Avec eux, il faut s’attendre à tout. Le risque n’était pas nul, mais pas inconsidéré.

Il faut bien comprendre que nous n’allions pas à Donetsk, ni à proximité du front.
La ville est très rarement attaquée, car elle se trouve à l’autre bout du pays. Et quand cela arrive, ce sont souvent des maisons en périphérie qui sont visées,
" analyse, après coup, le patron.

Preuve en est : l’attaque du 21 août, lorsque des drones et des missiles se sont abattus sur Lviv. Si une usine américaine de produits électroniques a été touchée, dix logements ont également été endommagés par le raid aérien, faisant un mort et plusieurs blessés.

A lire : Ukraine : relancer le tourisme le plus vite possible après la victoire

Néanmoins, lors de la visite de la délégation française, Andriy Parubiy, ancien président du parlement ukrainien et héros de la révolution de Maïdan, a été abattu en plein centre-ville de Lviv.

Si son meurtrier a été rapidement identifié, les autorités ukrainiennes affirment que ce crime n’était pas "aléatoire" et portait "une trace russe", comme le relate Euronews.

"Les Russes n’ont aucun intérêt à bombarder Lviv, car ils n’iront jamais jusque-là avec l’armée. Mais, comme pour Kiev, ces attaques ont pour but d’user et de décourager la population. Concernant l’assassinat de l’ancien président du Parlement, nous étions près à ce moment-là, dans le centre-ville, relate Fabrice Del Taglia.

Ce qui est stupéfiant, poursuit-il, c’est qu’au quotidien, rien ne montre que la vie est affectée par la guerre. La région paraît même très prospère économiquement. La ville est magnifique, nous avons l’impression d’être à Prague ou à Budapest".

Ukraine : "Tous les jours à 9h du matin, la ville s'arrête..."

Ukraine : "Tous les jours à 9h du matin, la ville s'arrête..." - FDT
Ukraine : "Tous les jours à 9h du matin, la ville s'arrête..." - FDT
Comme le relate le directeur de Nomade Aventure, les rues de Lviv sont étrangement vivantes, joyeuses, avec des commerces, des bars et des restaurants, très prisés.

Toutefois, si la cité, dont le centre historique figure sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO, baigne dans un semblant de normalité, certains indices laissent à penser que le conflit n’est pas si loin.

"Les jeunes font la fête, ils boivent, vont en boîte. Mais très vite, on se rend compte que tout ça n’est qu’une façade, nous ne voyons qu’une partie de la réalité des habitants. Les jeunes font la fête, mais à minuit, le couvre-feu stoppe toute activité.

Puis, tous les jours à 9h du matin, la ville s’arrête, mais aussi le pays. Les voitures, les transports en commun, les badauds dans la rue se figent pour respecter la minute de silence.

Nous entendons partout un décompte, un son très fort martelant chaque seconde.
C’est très impressionnant,
" témoigne, encore ému, le dirigeant de Nomade Aventure.

Une minute comme pour rappeler que la guerre n’est pas loin. Un décompte qui fait dire à cette jeunesse insouciante que rien ne dure vraiment, pas même l’innocence de leur vie.

Par ailleurs, tous les matins, au gré des pertes subies par l’armée ukrainienne, un convoi défile dans les rues.

"Des voitures passent devant les habitants et les familles, jusqu’à la mairie. Un hommage y est rendu par l’édile, le tout au son du clairon, tandis que les passants pleurent. C’est extrêmement fort.

Quand vous discutez avec qui que ce soit, tout le monde a un frère, un fils, un mari ou une fille sur le front, ou qui est mort. La guerre est présente en permanence.

On se rend aussi très vite compte que les jeunes vivent avec un sentiment d’urgence. Ils vivent au jour le jour, car ceux en âge d’aller au front seront bientôt appelés, ou redoutent les nouvelles de leurs proches déjà présents sur la ligne de front.

Ils ont tout le temps cette guerre en tête, même loin du conflit.
"

Ukraine : soudain à 3 heures du matin : "chers clients, en raison d'une alerte aérienne..."

Ukraine : soudain à 3 heures du matin : "Chers clients, en raison d'une alerte aérienne..." - Photo : Fabrice Del Taglia
Ukraine : soudain à 3 heures du matin : "Chers clients, en raison d'une alerte aérienne..." - Photo : Fabrice Del Taglia
Et ce n’est pas tout.

Alors que Lviv est située à près de 1 000 kilomètres du front, soit l’équivalent de la plus longue diagonale traversant la France, les Russes y mènent parfois des attaques, comme ce fut le cas le week-end dernier.

"La première nuit, on se couche tard, et à 3 heures du matin retentit une alerte.

Depuis les enceintes des télévisions dans les chambres, un message est diffusé : "chers clients, en raison d’une alerte aérienne, vous êtes priés de rejoindre l’abri au sous-sol, sans utiliser l’ascenseur".

On s’habille rapidement, on prend nos papiers d’identité, une bouteille d’eau et on descend les dix étages par les escaliers. Nous avons attendu deux heures dans le sous-sol de l’hôtel,
" se remémore Fabrice Del Taglia.

Deux heures interminables qui n’ont pas généré de sentiment de regret chez les participants au voyage.

Ils savaient que cela se produisait très régulièrement et que les alertes étaient déclenchées très tôt, bien avant que le missile ou le drone ne tombe quelque part.

"Nous n’avons pas eu peur, en toute objectivité. Par contre, nous nous sommes mis à la place des habitants qui vivent ça régulièrement, depuis maintenant trois ans. D’ailleurs, beaucoup ne sont pas descendus à l’abri et ne prêtent même plus attention aux alertes.

Cela doit être terriblement usant pour les nerfs. Nous étions dans un cadre très privilégié et protégé, mais cela nous a rappelé ce que vivent les Ukrainiens au quotidien."


A 5 heures du matin, les visiteurs de quelques jours ont pu regagner leurs chambres avec, malgré tout, le stress de se rendre compte, en pleine nuit, que la guerre reste à portée de missile.

Ukraine : "le stoïcisme et l'unité de ce peuple" ont impressionné

Lors de ce séjour de seulement 40 heures (les autres participants sont restés 3 jours), mais qui a paru durer plusieurs jours pour Fabrice Del Taglia, la petite troupe a pu discuter avec des Léopolitains (habitants de Lviv).

Même si les rencontres étaient balisées - elles s’inscrivaient dans le cadre du déplacement - ils ont pu échanger avec des membres de galeries, musées, associations, etc.

A lire : Guerre Ukraine : "La vérité est horrifiante" selon Mariana Oleskiv

"Ce qui m’a le plus marqué dans nos conversations, c'est bien le stoïcisme et l’unité de ce peuple", résume le DG de Nomade Aventure.

Un peuple qui tient, seul, avec des bombes et des drones qui pleuvent chaque jour sur le territoire. Les Ukrainiens sont là, debout et fiers de leurs couleurs.

Selon Fabrice Del Taglia, à plusieurs reprises, leurs interlocuteurs leur ont dit qu'ils ne rendront pas les armes. Ils ont aussi tenu à saluer ces Français ayant pris le temps de venir jusqu'à eux.

"Nos différents interlocuteurs nous ont remerciés d’être venus, puis ont remercié la France et nous ont dit que nous étions courageux d’avoir fait le déplacement. b[C’était très gênant venant de personnes qui se battent. Nous n’avions aucun courage".

Puis, le dirigeant poursuit en relatant une anecdote : "Le premier jour, le directeur d’un musée dédié à un peintre local nous reçoit et s’excuse d’avoir ouvert ce lieu durant la guerre. Il dit que c’est dérisoire de s’occuper d’art dans une telle période.

Cela m’a fait penser à une fausse citation souvent attribuée à Churchill, comme bien d’autres. On lui aurait demandé, durant la seconde guerre mondiale, de baisser le budget des arts pour augmenter celui de l’armée, et même si cette réponse est inventée, l’anecdote dit qu’il aurait répondu : "si on ne se bat pas pour la culture, alors pour quoi nous battons-nous ?"

Bien que fausse, cette citation porte un fond de vérité, particulièrement dans le cadre de cette guerre où Poutine veut effacer la culture ukrainienne,
" ajoute le DG, marqué par ce voyage.

Durant ces quelques dizaines d’heures, il a aussi visité un cimetière et rencontré des soldats blessés.

Des rencontres marquantes autant par les stigmates de la guerre que par les discours. Car si ces jeunes gens ont quitté le front mutilés, ils n’ont qu’une obsession : retourner auprès de leurs frères d’armes pour défendre leur pays.

"Ils ne veulent pas rester à l’arrière et retrouver une vie normale. Non, ils veulent retourner au front. Ils ont le sentiment d’avoir abandonné leurs camarades.

Nous avons discuté avec un jeune de 23 ans : il nous a dit, devant sa copine et ses parents, qu’il n’avait pas d’autre choix que de retourner au combat. Non pas à cause du gouvernement, mais bien pour défendre son pays,
" nous raconte-t-il.

Ukraine : et le tourisme dans tout ça ?

Ukraine : et le tourisme dans tout ça ? - FDT
Ukraine : et le tourisme dans tout ça ? - FDT
Tout juste rentré pour accompagner son plus jeune fils à la maternelle, Fabrice Del Taglia est encore marqué par les moments denses et chargés d’émotion de ce voyage.

Et s’il n’est bien sûr pas possible de reprogrammer le pays, il n’en reste pas moins que le véritable message était ailleurs.

"Ils ont conscience qu’aujourd’hui, les tour-opérateurs français ne sont pas en mesure d’envoyer des touristes en Ukraine, sauf éventuellement dans des zones extrêmement protégées et qui n’ont jamais été touchées par la guerre.

Il y a un tourisme intérieur qui profite d’ailleurs à Lviv. Les restaurants et les bars sont très nombreux et pleins. Il y a aussi beaucoup de musées, d’hôtels, etc. J’étais vraiment très surpris.

D’ailleurs, dans l’hôtel où nous étions logés se tenait un congrès - de je ne sais quelle profession - et bien sûr, il n’y avait que des Ukrainiens
".

Jusqu’en 2018, Nomade Aventure programmait l’Ukraine, une destination plutôt confidentielle. "Paradoxalement, je pense que le pays aura un plus grand potentiel une fois la paix revenue, non pas par curiosité sordide, mais plutôt pour faire preuve de solidarité avec les Ukrainiens, analyse Fabrice Del Taglia.

Il poursuit : Le sujet du voyage n’était pas de dire que nous sommes prêts à envoyer des voyageurs, mais de manifester notre solidarité, notre envie de revenir ici et de découvrir le pays.

Si vous vous mettez à la place des habitants, dans ce genre de situation, avoir de la visite, c’est aussi une note d’espoir. Le message que nous leur avons adressé : vous n’êtes pas seuls et nous ne vous oublions pas,
" conclut Fabrice Del Taglia.

Parfois, une simple présence et une écoute précieuse valent mieux que des promesses intenables.

Et si le tourisme n'arrêtera pas les chars, ni les aspirations staliniennes de Poutine, il pourra une fois les armes déposées, lui permettre de reconstruire l'économie, redonner de la fierté et apporter un peu de paix à un pays lourdement meurtri.

Pour terminer, nous vous partageons, une chanson militaire devenue l'hymne d'un peuple qui se soulève : "oh, dans le pré, la viorne rouge s'est inclinée.

Notre glorieuse Ukraine a une bonne raison d'être triste. Et nous relèverons cette viorne rouge. Et nous soutiendrons notre glorieuse Ukraine, hey, hey...
"

Espérons que le viorne, ce robuste arbuste symbole national de l'Ukraine, redevienne aussi un jour aussi celui de l'amour dans une région ébranlée par un conflit débuté, il y a maintenant plus de 10 ans.


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