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Dans les entreprises, "il est important d'avoir l'obligation de se tromper" selon Olivier Sadran [ABO]

Au congrès des EDV 2025, le patron de Newrest a partagé son expérience professionnelle


Rare dans les médias - encore plus depuis la vente de son club, le Toulouse Football Club - Olivier Sadran s’est exprimé au congrès des Entreprises du Voyage, devant près de 400 personnes pour revenir sur son parcours atypique. En 1996, il crée, avec l’appui de compagnies dirigées par Marc Rochet, son premier client, une société de catering aérien. Près de trente ans plus tard, l’entreprise réalise plus de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires.


Rédigé par le Mercredi 21 Mai 2025

Au congrès des EDV 2025, Olivier Sadran, le patron de Newrest a partagé son expérience professionnelle - Crédit photo : CE
Au congrès des EDV 2025, Olivier Sadran, le patron de Newrest a partagé son expérience professionnelle - Crédit photo : CE
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Figure d’une certaine réussite à la française, il se fait rare dans les médias.

Olivier Sadran est devenu une personnalité publique, lors du rachat du Toulouse Football Club, à l’agonie dans les divisions inférieures du football français. En quelques années, il a redressé la barre et transformé le club en une formation stable de l’élite nationale.

Mais le parcours de l’entrepreneur ne se limite pas à cette page de son histoire. Avec Newrest, il signe l’une des plus belles réussites industrielles françaises de ces dernières décennies.

"Être présent ici devant vous, c’est pour moi comme rendre un hommage à Georges Colson (ancien président de FRAM et du SNAV - les EDV de l'époque - ndlr) qui a été un administrateur de Newrest.

C’est une entreprise de restauration que j’ai fondée en 1996, au moment où Bruxelles cassait un certain nombre de monopoles dans ce secteur.

Aujourd'hui, elle est la propriété à 96,5% de ses managers. Cela représente, selon moi, la juste incarnation d’un capitalisme si souvent décrié,
" estime l'entrepreneur.

En l'espace d'un peu moins de 30 ans, la société est passée de 0 à 3,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Retour sur un itinéraire hors norme.


Olivier Sadran : "Il faut parfois un petit peu de chance"

Émancipé à l'âge de 16 ans pour fuir le divorce difficile de ses parents, Olivier Sadran, cet adolescent issu de la petite bourgeoisie toulousaine, s’installe en cité.

"J'y ai beaucoup appris, sans doute beaucoup plus qu'entre mes 0 et 16 ans. J'ai adoré cette période, où vous êtes au bord de la rupture, où votre éducation vous rattrape. C'est à ce moment-là que j'ai développé mon esprit entrepreneurial et ce besoin d'autonomie.

Deux ans plus tard, je fonde ma première société. Quand vous êtes seul, vous devez trouver les moyens de vivre. En même temps que je passe mon Bac, je travaille sur des chantiers. Sur celui du métro de Toulouse, je vois toutes ces personnes qui apportent leurs gamelles.

Je commence alors à commander des plats chez un traiteur et à les livrer.
" Voilà comment nait sa première entreprise.

Cinq ans après, il revend cette première entreprise à Sodexo. Une vente qui n'était pas programmée, mais rendue indispensable pour amorcer l'aventure de sa vie.

En 1996, cet ancien latéral droit en cadets nationaux crée Catair, une société de catering aérien basée à l'aéroport de Toulouse.

A l'époque, les fournisseurs de repas et snacking des compagnies aériennes sont principalement des filiales de ces mêmes entreprises.

"Nous n'avions rien prévu avec mes partenaires, mais nous étions fascinés par l'aérien. Puis quelqu'un nous a dit : "j'en ai marre des monopoles". Nous avons foncé.

Trois mois plus tard, Air Liberté, avec qui nous lancions la boite, fait faillite. Deux jours plus tard, Air France, KLM, puis 15 jours après British Airways signent chez nous. Pour rebondir, il faut parfois un petit peu de chance.

Cette première vie entrepreneuriale m'a appris à ne pas dépendre de mes banques,
" raconte Olivier Sadran en revenant sur cet épisode.

Lors de ce lancement, il croise la route de Marc Rochet, alors à la tête d'une mission de restructuration impossible.

Olivier Sadran : "Le chiffre d'affaires n'est pas notre préoccupation"

Cette culture de l’indépendance est restée profondément ancrée, jusqu'au sein de Newrest, malgré un développement éclair et 70 000 salariés.

"Nous sommes très peu endettés. Cette volonté de survivre, de générer du cash-flow et de rester autonomes est profondément ancrée chez nous.

Mes préoccupations, ce sont mes clients, le rapport qualité-prix, mes salariés - qui sont aussi mes actionnaires. Et je peux vous dire que d'avoir autre chose que les banquiers comme sujet de préoccupation, c'est une situation très agréable,
" affirme le dirigeant.

Grand bien lui en a pris ! L'entreprise se développe à vitesse grand V.

En 2005, elle connait une première bascule. Newrest reprend les parts de Compass, qui l'avait pourtant rachetée en septembre 2000.

En 2008, elle remporte la privatisation du catering de Saudi Airlines, revendu 11 ans plus tard avec une marge de 390 millions d'euros par la création d'une joint-venture. Au début des années 2010, elle fait l'acquisition de la Compagnie des Wagons-Lits et obtient en 2013, l'attribution du marché de la SNCF en France.

"Sans être parfait, nous avons dépassé le simple sandwich triangle pour proposer une prestation plus qualitative et dynamique. Les ventes à bord ont doublé.

Puis la crise du Covid est arrivée. Sans doute que si nous avions était présents seulement dans l'aérien, nous serions morts aujourd'hui.

Cette épreuve a été déterminante. Elle nous a permis de revoir profondément notre agilité opérationnelle et notre vision à long terme. Après cette période, la croissance est repartie de façon très vertigineuse.

Et si je vous dis que le chiffre d'affaires n'est pas notre préoccupation, vous aurez sans doute du mal à le croire. La vérité c'est que nous sommes beaucoup plus préoccupés par la qualité, la profitabilité, nos salariés et nos actionnaires,
" affirme le dirigeant.

Olivier Sadran : "Avoir le droit et l'obligation de se tromper"

En 2019, Newrest réalise un chiffre d'affaires de 1,527 milliard d'euros. L'année suivante, les revenus s'effondrent à 861,9 millions d'euros, avant d'atteindre les 2,5 milliards en 2024 et 3,3 milliards en 2025.

Pour doubler en seulement six ans ses revenus, Olivier Sadran n'a pas établi de grands plans. Il refuse également de faire appel à des cabinets de conseil, par souci d’autonomie, mais pas seulement.

"Leur job consiste à réaliser des arbitrages entre les cadres qui ne prennent pas de décisions. Pour éviter cela, notre circuit de décision est court et nous n'avons pas peur d'en prendre.

Il est très important d'avoir le droit et l'obligation de se tromper. En contrepartie, il faut cultiver l'humilité. Quand vous vous trompez, et que pour des questions de politique ou de positionnement, vous vous acharnez, cela peut avoir des conséquences majeures sur une entreprise,
" met en garde Olivier Sadran.

Il estime donc indispensable d’accepter ses erreurs. Un exercice intellectuel exigeant.

D’ailleurs, malgré ce que son succès pourrait laisser croire, le passionné de sport n’a jamais bâti de grands projets, ni planifié sa trajectoire professionnelle. "Je suis toujours très dubitatif envers les personnes qui vont vous expliquer qu'ils ont une stratégie à 10 ans et qu'ils avaient tout vu venir.

À l'inverse, j'ai plutôt une stratégie à 10 minutes, faite d’opportunités et d’envies.

Je suis un autodidacte qui a seulement son Bac - obtenu en travaillant assez peu. J'ai toujours adoré découvrir le monde et je suis passionné de sport... Autant d’éléments qui influencent mes choix, bien au-delà d’une stratégie formalisée
."

Olivier Sadran :"J'ai toujours besoin d'avoir des ennemis, des cibles"

Sans bureaucratie pour alourdir les décisions, ni banquiers pour freiner la prise de risque, Newrest et Olivier Sadran ont navigué vers le succès avec relativement peu d’écueils.

Une autre des martingales de l'entrepreneur à succès est que les très grosses entreprises sont dans l'incapacité d'affronter le risque, par peur de prendre la mauvaise décision.

"C'est une réflexion presque philosophique. Plus vous rachetez de groupes ou d'entreprises, plus votre Groupe grandit et moins vous vous retrouvez en capacité de prendre des risques. Inconsciemment, en tant qu'être humain, vous allez adopter une position qui consiste à protéger vos actifs.

J'ai conscience de ce réflexe, alors j'essaie de me faire violence, pour inciter l'entreprise à être dynamique et innovante.
"

Cette frilosité naturelle est néanmoins compensée par l’expérience, qui vient insuffler un peu d’élan à une mécanique que le poids des acquisitions tend à ralentir.

A seulement 55 ans, l'ancien propriétaire du TFC ne songe pas encore à quitter son poste à la tête de ce Groupe international. Il sait pourtant qu’il ne faut pas, à l’image des grands sportifs, faire la saison de trop ni s’accrocher à tout prix.

S'il avoue ouvertement être de mauvaise foi, combatif, l'une de ses premières sources d'inspiration pour toujours avancer et se lever le matin, malgré de nombreuses victoires accumulées, n'est autre que le goût pour la bagarre.

"J'ai toujours besoin d'avoir des ennemis, des cibles. Dans notre entreprise, nous ciblons nos concurrents, des projets et nous nous acharnons dessus, parce que nous aimons ça.

Ce n'est pas très tendance, mais je ne vois pas pourquoi je serais bienveillant avec mes concurrents.

Ce message guerrier ne signifie pas que nous franchissons les limites ou que nous empruntons des voies interdites. Cela veut simplement dire que nous devons rester réactifs, innovants et durs,
" conclut Olivier Sadran.

Une belle réussite qui ne doit pas cacher ses contradictions et ses zones d'ombres, comme son désastreux bilan carbone...




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