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Faire face aux défis de la sécurité

Table ronde


Avec les derniers attentats en France, la sécurité des voyages et événements est devenue l'une des priorités des entreprises. Si elle rebat la carte des destinations, elle pousse aussi les agences événementielles à professionnaliser leurs méthodes de travail, tant en amont que pendant les opérations.


Rédigé par Nicolas Langis le Jeudi 20 Octobre 2016

Table ronde © Cyril Etien
Table ronde © Cyril Etien
Les participants à la table ronde :
  • Alia BOUKHRIS - Echapevoo
  • Michel RONCKA - RTE
  • Sylvie Pastre - Sobe Incentive
  • Emmanuelle BLONDIN - Duxin Com
  • Alain MOLLE - Eurosites
  • Christine BLANC - Office de tourisme de Malte
  • Sidonie PLOTTIER - Hopscotch Travel
  • Frédéric GIQUEAUX - Maori
  • Sabine AUCOIN - Safran RP
  • Didier ROUX - The Blue Yellow Company
  • Clémence BARET - Atout France


Voyages & Stratégie : Quelle est la conséquence des récents attentats ?

Michel Roncka : En tant qu’administrateur de l’Association française des travel managers, le constat que les entreprises se posent plus de questions. Le risque est pris en compte depuis longtemps dans les grands groupes. Mais la proximité et l’intensité des récents événements
ont fait qu’il est revenu à la surface, y compris désormais chez les PME/PMI.
Les choses changent également dans l’esprit des collaborateurs. Ils ont pris conscience que leur entreprise avait le devoir de les protéger.
Les attentats ont entraîné de nouvelles pratiques jusqu’alors rares, à savoir se signaler lors d’un voyage, même pour un déplacement en France.
Chez RTE, je vais prochainement intégrer les activités MICE dans mes fonctions de travel manager. Les exigences en termes de sécurité seront très en phase avec ce que nous faisons déjà pour les déplacements professionnels.

Didier Roux : The Blue Yellow Company compte beaucoup de clients dans le secteur de la pharmacie, avec une activité très internationale.
La sécurité a toujours été un élément tacitement admis. Mais aujourd’hui, elle devient quasiment une priorité des clients, un prérequis ; que ce soit dans le choix d’une destination ou d’un lieu.
Cela pousse les professionnels à adapter leur comportement.

Alain Molle : Eurosites regroupe une cinquantaine de lieux événementiels dont une dizaine à Paris. De novembre à cet été, nous avons subi une trentaine d’annulations.
Il y a désormais un vrai débat au sein de l’entreprise pour savoir si elle doit se réunir, et à quel endroit. On s’autorise ou non à aller dans un pays, à organiser ou non un événement.
Certaines entreprises préfèrent réaliser une manifestation en interne, dans leurs propres locaux. Alors même que la problématique n’est pas le bâtiment, mais la manifestation en elle-même. Un lieu événementiel est généralement mieux sécurisé que des bureaux !

"La sécurité devient quasiment une priorité des clients, un prérequis ; que ce soit dans le choix d’une destination ou d’un lieu."

Michel RONCKA - RTE © Cyril Etien
Michel RONCKA - RTE © Cyril Etien
Sylvie Pastre : Selon moi, il faut toutefois séparer l’événementiel et le voyage, pour lesquels les attentes sont différentes. Les clients en événementiel sont beaucoup plus impactés par les récents attentats.
Dans le voyage, le « terrain de jeu » est déjà contraint par les conseils du ministère des affaires étrangères et il s’est considérablement rétréci depuis déjà plusieurs années. Certaines entreprises se servent également des tragiques événements pour justifier de rester en Europe voire en France ; alors qu’en réalité, ce choix n’est guidé que par des contraintes budgétaires. Le contexte sécuritaire peut cacher un choix économique...

Alia Boukhris : Le phénomène n’est pas nouveau. La France s’est réveillée en septembre 2014, à la suite de la mort d’Hervé Gourdel décapité en Algérie. C’est à ce moment-là que le Quai d’Orsay est réellement intervenu avec une liste de destinations déconseillées. Cela a influé les entreprises, elles ont exigé un niveau de sécurité supplémentaire.
Tous les marchés sont impactés, l’événementiel comme le voyage. Quand il y a un congrès à Dubaï, le collaborateur peut avoir envie d’y aller mais subit la pression de sa famille et au final décliner le voyage. Cela pousse les organisateurs à se concentrer sur des destinations « safe ».

Sabine Aucoin : Au-delà de reports d’opérations vers d’autres pays, nous avons également enregistré des annulations pures ces derniers mois, notamment en Turquie et au Maroc.
Safran RP représente également le bureau des congrès de la ville de Marseille. Effectivement, les demandes d’opérations dans la ville de la part des entreprises françaises ont augmenté et les confirmations sont plus nombreuses. La France devient une alternative, même si les risques y sont tout aussi importants !

Emmanuelle Blondin : Duxin Com représente plusieurs destinations américaines en France. Le sujet est moins sensible pour un déplacement aux États-Unis, mais il demeure important. Pour autant, les États-Unis font figure de destination refuge.

"Tous les marchés sont impactés, l’événementiel comme le voyage."

Alia BOUKHRIS - Echapevoo © Cyril Etien
Alia BOUKHRIS - Echapevoo © Cyril Etien
Christine Blanc : À Malte, nous constatons une augmentation sensible de la demande, mais antérieure aux attentats. Elle date du Printemps arabe, en particulier pour la clientèle française.
Les agences nous reconsidèrent dans le choix d’une destination en Méditerranée. Les autorités locales sont attentives à la sécurité, peut-être plus simple à mettre en œuvre dans une île où les flux sont plus aisément contrôlables.

Frédéric Giqueaux : Maori est un spécialiste de la sécurité à l’international, avec trois missions : la protection des salariés et expatriés des entreprises, la sécurité des événements et l’encadrement des manifestations sportives. N’oublions pas que le risque est protéiforme, même si on parle actuellement beaucoup des attentats. Il ne s’agit pas d’être anxiogène mais d’être responsable.
L’échange d’informations en amont devient essentiel. Il faut faire le tri par rapport à un lieu, une typologie d’événement. Le trop-plein d’informations fait peur !


Voyages & Stratégie : Et en France ?

Clémence Barret : Je travaille pour le cluster tourisme d’affaires et les grands événements chez Atout France. La perception des marchés étrangers quant à la France varie d’un pays à l’autre. Le Japon est par exemple particulièrement attentif à la sécurité. Évidemment, la fréquentation s’en ressent.
Cela dit, un voyageur se déplace plus facilement pour un séminaire ou un congrès que pour le loisir, où il engage sa famille, ses enfants.
Dans le contexte actuel, le tourisme d’affaires résiste mieux. Dans ce cadre, le message délivré par les médias et les professionnels est essentiel. La presse internationale regarde énormément la France et relate tous les points négatifs. Il nous faut relancer un discours positif sur notre pays; rassurer à
travers des points réguliers sur la sécurité, relayés par nos bureaux à l’étranger, nos ambassades.

"Un voyageur se déplace plus facilement pour un séminaire ou un congrès que pour le loisir, où il engage sa famille, ses enfants."

Christine BLANC - Office de tourisme de Malte © Cyril Etien
Christine BLANC - Office de tourisme de Malte © Cyril Etien
Alain Molle : Aujourd’hui, vu de l’étranger, la France est considérée comme un pays à risque. D’autant qu’au-delà des médias, les autorités françaises en ajoutent régulièrement une couche sur les risques d’attentats imminents ou déjoués.
Je connais des personnes travaillant pour des entreprises américaines qui, lorsqu’elles prévoient de venir à Paris pour une réunion, sont désormais obligées de faire une déclaration préalable à leur siège, qui autorise ou non le déplacement. Certes, le tourisme d’affaires peut contribuer à redévelopper le tourisme de loisirs. Encore faudrait-il qu’il y ait une vraie politique de la part des autorités ; ce qui n’est pas le cas, en particulier à Paris qui occulte trop souvent ce tourisme d’affaires. Alors qu’il rapporte chaque année à Paris ce que rapporterait l’organisation des JO !

Emmanuelle Blondin : Nous avons récemment eu une annulation d’un client américain, qui se déplace tous les ans à Paris pour rencontrer ses prospects. Son chef de la sécurité a interdit tout déplacement en France jusqu’à nouvel ordre.
Du point de vue des Américains, la France est devenue une « no go zone », au même titre que la Tunisie ou l’Égypte. Actuellement, seuls les points négatifs retiennent l’attention des médias américains. Le traitement de ce qui se passe aux États-Unis est très différent, alors même que les risques y sont également importants comme le rappelle l’attentat d’Orlando. Ils sont très anxiogènes vis-à-vis des pays étrangers.


Voyages & Stratégie : Quelles solutions pour les professionnels ?

Frédéric Giqueaux : Nous sommes rentrés dans une relation plus professionnelle en matière de sécurité. Les organisateurs d’événements peuvent désormais se différencier par leur capacité à gérer cette problématique, à travers une bonne connaissance du risque et des réponses apportées.
On avait l’habitude d’avoir un médecin urgentiste lors d’un événement, il faudra de plus en plus penser à avoir quelqu’un qui supervise les lieux, gère les relations avec les autorités locales; un security manager en quelque sorte, transposé aux métiers de l’événement et du voyage. Avec une sensibilité particulière car il devra être festif dans l’âme mais sécuritaire dans l’action ! Il faut que les participants se sentent en sécurité, sans la voir...
Il faut également améliorer la traçabilité des voyageurs. La France est un pays latin ! Pendant longtemps, les collaborateurs d’une entreprise considéraient que la sécurité était un frein à leur liberté. On constate aujourd’hui une vraie prise de conscience. Ce sont même eux désormais qui poussent les entreprises à mettre en œuvre des moyens pour leur sécurité.

"Il faut que les participants se sentent en sécurité, sans la voir..."

Emmanuelle BLONDIN - Duxin Com © Cyril Etien
Emmanuelle BLONDIN - Duxin Com © Cyril Etien
Sylvie Pastre : Avec les attentats de Paris et Nice, les entreprises ont prix conscience que le risque ne concernait pas que l’étranger. Ça permet malheureusement de relativiser ! Plus que jamais, nous devons mettre en avant nos compétences et notre professionnalisme, en rappelant qu’une agence doit avoir une licence, les garanties financières nécessaires.
Dans le contexte actuel, c’est un élément à mettre en avant qui peut rassurer les clients. Ils doivent travailler avec une agence en bonne et due forme, qui offre les garanties d’assurances et de sécurité, qui sous-traite avec les bons réceptifs. Il y a encore trop de francs-tireurs, des opérateurs sur le web qui s’improvisent organisateurs d’événements !

Alain Molle : De tout drame, il y a des choses positives à tirer. Autrefois, la sécurité était accessoire et passait après les petits fours. Désormais, on peut en parler ouvertement. De vraies stratégies d’accueil et de sécurité en amont se mettent en place, avec les agences et les entreprises. Le seul problème est de savoir qui paie !
Chez Eurosites, les premiers efforts l’ont été pour sécuriser nos collaborateurs dans nos bâtiments. Ensuite, nous avons réalisé une campagne auprès de nos clients pour expliquer les efforts déployés en matière de sécurité; les portiques, les palpations... Cela entraîne forcément un surcoût répercuté en partie sur le client, ce qui n’est pas sans poser de difficultés dans un environnement très concurrentiel. Nous avons aussi renforcé le contrôle des prestataires avec lesquels nous travaillons.

Sidonie Plottier : Mais attention : la dangerosité d’une destination est désormais souvent associée au seul risque terroriste ! On en oublie les autres risques, comme l’insécurité ou les violences urbaines...
Il est aussi de notre devoir de sensibiliser les clients à ces risques, adapter les programmes ; organiser par exemple une soirée qui canalise le groupe dans une ville et permettra d’éviter que les participants ne s’éparpillent un peu partout. On constate aussi une recrudescence des demandes pour la France. Dans un appel d’offres, sur trois destinations proposées, il faut désormais qu’il y ait une région française, y compris pour de l’incentive. À nous d’adapter notre offre, d’aller chercher de nouveaux produits...

"De vraies stratégies d’accueil et de sécurité en amont se mettent en place, avec les agences et les entreprises. Le seul problème est de savoir qui paie !"

Alain MOLLE - Eurosites © Cyril Etien
Alain MOLLE - Eurosites © Cyril Etien
Alia Boukhris : Il faudrait également que nous puissions rencontrer les personnes en charge de la sécurité dans les grandes entreprises, avant même de travailler sur un devis ou un dossier. Prenons le cas d’Haïti d’où les gens reviennent enchantés, mais qui continue à être mal considéré; du fait des médias qui continuent à avoir un traitement de l’information anxiogène à propos du pays. Nous pouvons apporter notre expertise, éclairer les entreprises en rencontrant les bonnes personnes.

Didier Roux : J’ai deux dossiers en cours à l’international. Lorsque j’ai demandé aux entreprises si elles avaient une liste noire, elles m’ont répondu que non. Elles ne communiquent pas de règle écrite, il y a une forme de discrétion.
Pour autant, certaines destinations sont clairement interdites. Car n’oublions pas que celui qui décide dans une entreprise aura des comptes à rendre le cas échéant. Même si les prix sont devenus très extractifs dans certains pays « boycottés », il ne choisira jamais une destination dite à risques.
Il existe aussi désormais une forme d’autocensure de notre part sur les activités proposées, dont on sait pertinemment qu’elles seront refusées. Par ailleurs, nous sommes plus timides à l’idée de tenter des expériences avec des réceptifs que l’on ne connaît pas. Le contexte actuel nous pousse à sécuriser plus qu’avant les relations avec les réceptifs.

Clémence Barret : Nous avons fait une grande compagne de relance de Paris en juin. Mais le drame de Nice a anéanti en partie cet effort. On ne va pas dépenser à l’excès, mais il faut rester présent. Nous allons par exemple organiser l’événement professionnel France Meeting Hub en novembre, avec des pré-tours en région pour la centaine d’agences événementielles du monde qui y participeront. Il se déroule tous les ans et tourne en France mais se déroulera cette année à Paris, dans le cadre de notre stratégie de reconquête. Il faut aussi que les blogueurs, les réseaux sociaux, envoient des messages positifs, une image réelle et non déformée de la France.

Sylvie Pastre : Au final, 2017 s’annonce plutôt bien. Le risque semble intégré pour peu que les mesures de sécurité soient prises, même si certaines destinations sont sinistrées. Il y a toujours des destinations alternatives... Les entreprises continuent à voyager, et même de plus en plus loin depuis quelque temps. Sachant qu’il y a toujours des incertitudes en année électorale !

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