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GIEC : les carburants synthétiques, solution pour le transport aérien... 🔑

Interview de Gerhard Krinner, auteur du dernier rapport du GIEC


Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a publié récemment son 6e rapport. Et à l'image du scientifique dans le film Don't Look Up, les experts ont quelque peu changé de ton. A force de voir l'humanité agir si peu pour réduire ses émissions de CO² et limiter le réchauffement climatique, nous entrons dans l'ère de l'urgence. Pour Gerhard Krinner, auteur du dernier rapport du GIEC, l'aérien tel que nous le connaissons est incompatible avec l'Accord de Paris. Pire : même la technologie ne nous sauvera pas. Comment faire pour imaginer le tourisme de demain ? Voici les éléments de réponse délivrés par Gerhard Krinner.


Rédigé par le Mardi 11 Avril 2023

"Nous ne pouvons pas parier sur l'évolution des technologies pour nous sauver," selon Gerhard Krinner, auteur du dernier rapport du GIEC - Depositphotos @peshkova
"Nous ne pouvons pas parier sur l'évolution des technologies pour nous sauver," selon Gerhard Krinner, auteur du dernier rapport du GIEC - Depositphotos @peshkova
TourMaG.com - Après une première partie d'interview sur le 6e rapport, nous allons parler de notre quotidien et du tourisme. La lutte contre le réchauffement climatique est-elle compatible avec la mondialisation ?

Gerhard Krinner : L'augmentation des flux transfrontaliers n'est pas immédiatement compatible avec une réduction des émissions, via notamment avec le transport.

Après dans le rapport, nous ne disons pas qu'il n'y a pas une incompatibilité avec la mondialisation.

Pour en venir à votre secteur, la réduction des vols privés ou déplacements en avion est indispensable. Tant qu'ils émettent du CO², ils sont incompatibles avec les objectifs de réduction.


TourMaG.com - Pour beaucoup de politiques, dont le Président Macron, la technologie doit résoudre nos problèmes. Est-ce que la technologie peut nous engager dans une trajectoire plus soutenable ?

Gerhard Krinner :
Non. Il est très clair que des changements de comportement sont indispensables, pour plus de sobriété. La sobriété ne veut pas dire que nous allons retourner à l'âge de pierre.

La chasse au gaspillage, la réduction des dépenses et les utilisations inutiles d'énergie sont primordiales pour atteindre les objectifs.
Nous ne pouvons pas parier sur l'évolution des technologies pour nous sauver. La réduction des dépenses est indispensable.

Historiquement, les nouvelles sources d'énergie se sont plutôt rajoutées à celles existantes.


"La compensation ne résout pas tout, loin de là"

TourMaG.com - Cette phrase interpelle dans le rapport : les choix et les actions mis en œuvre dans cette décennie auront des impacts maintenant et pour des milliers d'années. Agir d'ici 2030, est-ce notre dernière chance ?

Gerhard Krinner :
Non, il faut comprendre que des impacts du changement climatique sont irréversibles.

Si vous faites disparaitre une espèce à cause du changement climatique, alors elle disparait pour l'éternité. Il existe des impacts irréversibles de perte de masse des calottes de glace.

Si l'instabilité de l'Antarctique est engagée, vous pouvez essayer de réduire le réchauffement climatique, cela n'y changera rien, nous n'aurons plus aucune prise sur le Continent Blanc.

Il y a beaucoup d'effets proportionnels à la hausse des températures, mais aussi d'autres qui font que nous ne pourrons pas revenir en arrière.


TourMaG.com - La compensation a souvent été citée dans les rapports du GIEC. Elle a connu une contre-publicité fâcheuse ces dernières semaines. Est-ce une solution pour nous permettre de gagner du temps en vue de la transition ?

Gerhard Krinner :
Oui et non.

La compensation peut faire partie de la solution, mais pour sa mise en œuvre, nous devons faire attention à ne pas créer des effets collatéraux négatifs. La reforestation est une bonne chose, mais nous devons aussi arrêter la déforestation.

La compensation carbone ne permet pas de contrebalancer ce que nous émettons, nous en sommes très loin. Nous ne disons pas que c'est complètement inutile, mais cela ne résout pas tout, loin de là.

"L'aérien, à l'échelle actuelle, est incompatible avec un réchauffement à +1,5 degré"

TourMaG.com - D'après le rapport et vos connaissances, existe-t-il un avenir au tourisme et à l'aérien au regard de la trajectoire que nous prenons ?

Gerhard Krinner :
Dans la trajectoire à +3,5°, il n'y a aucun problème pour dégager les contours de l'avenir du tourisme, puisque les émissions seront équivalentes à celles que nous avons aujourd'hui.

Le tourisme n'aura pas besoin de faire sa révolution.

Donc les gens pourront continuer à utiliser l'avion comme nous le faisons actuellement. Après si nous voulons aller vers un monde respectant l'Accord de Paris, il faudra changer de paradigme, il faudra des avions électriques et des bateaux à voile.

Malheureusement, je ne vois pas comment le transport aérien, à l'échelle que nous connaissons, pourrait être compatible avec un réchauffement à +1,5 degré. Dans ce genre de trajectoire, nous prévoyons que certains secteurs seront difficiles à décarboner et l'aviation en fait partie.

Je souhaite bien du courage à l'industrie pour développer le tourisme durable, car la découverte des autres cultures et des autres façons de vivre, fait partie de l'apprentissage de la vie. Il est difficile de dire de ne pas faire des voyages long-courriers.

TourMaG.com - L'aérien mise beaucoup sur les carburants synthétiques, peuvent-ils suffire à rendre le tourisme plus durable ?

Gerhard Krinner :
Il me semble que ces solutions techniques n'existent pas à l'échelle nécessaire.

Si nous imaginons un développement des carburants synthétiques basés sur une énergie propre au départ, comme le solaire ou l'éolien, alors cela pourrait être une solution.

Le sud de la France aura "un climat équivalent au nord de l'Afrique"

TourMaG.com - Avec une hausse des températures à +3,5 degrés, à quoi ressemblera la vie en France ?

Gerhard Krinner :
Les projections de l'évolution du climat dansla zone méditerranéenne montrent très clairement que ce sera l'une des zones du monde où l'assèchement sera le plus fort.

Ce qui ne voudra pas dire, qu'il n'y aura pas en même temps une augmentation des évènements très forts de précipitations, donc des inondations.

Les risques clés en Europe sont liés à la chaleur, la disponibilité de la ressource en eau, surtout en Europe du sud, puis sur l'agriculture avec un niveau des récoltes très impacté, sans oublier les inondations.

A +1,5 degré, nous pouvons avoir une élévation du niveau de la mer oscillant entre 2 et 3 m, puis à +2 degrés, alors elle pourrait atteindre entre 2 et 6 m, sur un temps long. Vous voyez que la différence entre ces deux cas est très forte. Donc sur les évènements extrêmes, quelques dixièmes de degré auront un impact important.

Pour en revenir à votre question, je ne sais pas concrètement à quel climat cela correspondra, mais nous aurons un climat équivalent à ce que nous connaissons dans le nord de l'Afrique.


TourMaG.com - Nos vies ne seront plus jamais comme avant...

Gerhard Krinner :
Nous aurons les moyens de nous adapter, nous vivons dans un pays riche.

Vous avez des pays, où les habitants ne peuvent plus s'adapter. Nous sommes moins vulnérables que les populations des pays pauvres. Après dans nos sociétés, il y aura aussi des disparités entre les plus riches et les plus pauvres.

A chaque fois, ce sont les populations ayant le moins contribué aux émissions qui seront les plus exposées.

Climat : "La réponse est collective, nous ne pouvons dire que c'est à l'autre d'agir"

TourMaG.com - C'est aussi tout le problème dans la lutte contre le réchauffement climatique, c'est que nous ne faisons pas face aux mêmes besoins. D'un côté des pays souhaitent se développer, pour atteindre nos niveaux de vie, pendant que nous aimerions faire baisser nos émissions de CO². N'est-ce pas incompatible avec la lutte contre le réchauffement climatique ?

Gerhard Krinner :
Le plus fort potentiel d'atténuation se situe là où les gens émettent le plus, c'est certain.

Quelqu'un qui émet déjà très peu, ne peut pas vraiment émettre beaucoup moins. Même si la population africaine doublait, l'impact sur les émissions serait extrêmement faible.

L'argument de dire que les Africains doivent faire moins d'enfants est contraire à la réalité de notre monde. C'est à nous de réduire nos émissions.


TourMaG.com - Jean-Marc Jancovici parlait de limiter les vols à 3 ou 4 dans une vie et à l'instauration d'un quota carbone pour la population. Est-ce une solution ?

Gerhard Krinner :
Il faut réduire les émissions pour arriver à "0" émission nette, pour stabiliser le climat.

Cela me parait difficilement acceptable, je n'ai personnellement pas envie d'une dictature.


TourMaG.com - Êtes-vous optimiste sur les capacités de l'humanité à prendre son destin en main ?

Gerhard Krinner :
Le changement climatique ne signifiera pas la fin du monde, donc je suis optimiste.

Je sais que cela va causer des dégâts que nous aurions pu éviter. Il faudrait agir rapidement, car cela nous coutera plus cher à long terme...


TourMaG.com - Pour le GIEC, une des solutions serait de mieux flécher les financements vers le durable...

Gerhard Krinner :
Très clairement, les investissements dans les ressources fossiles, ne sont absolument pas compatibles avec les objectifs politiques de l'Accord de Paris.

La réponse est donc collective à tous les niveaux, nous ne pouvons pas dire que c'est à l'autre d'agir.

Romain Pommier Publié par Romain Pommier Journaliste - TourMaG.com
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