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Climat : quels sont les risques pour le transport et le tourisme ? 🔑

Aéroports, train, croisiÚres, destinations...


François Gemenne, chercheur et politologue, l'a annoncĂ© lors du Forum du Seto : le transport et le tourisme seront profondĂ©ment impactĂ©s par le rĂ©chauffement climatique. Quels sont les risques liĂ©s Ă  une hausse de +4°C en France Ă  l'horizon 2100 pour ces secteurs ? AĂ©roports, rĂ©seau ferroviaire, mais Ă©galement attractivitĂ© des destinations... le paysage touristique pourrait bel et bien ĂȘtre bouleversĂ©. Tour d'horizon.


Rédigé par le Lundi 19 Juin 2023

Plusieurs risques pÚsent sur l'industrie du tourisme et des transports concernant le réchauffement climatique : des risques de transition et des risques physiques - Depositphotos.com uteur tawanlubfah
Plusieurs risques pÚsent sur l'industrie du tourisme et des transports concernant le réchauffement climatique : des risques de transition et des risques physiques - Depositphotos.com uteur tawanlubfah
"Nous devons préparer notre pays à une évolution des températures de +4 degrés." Cette phrase est celle de Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique qui s'exprimait dans le JDD (Le Journal du Dimanche) fin mai 2023.

Comme le rappelle le ministre, "si tous les États du monde n’accentuent pas leurs efforts pour diminuer encore leurs Ă©missions, on se dirige vers un rĂ©chauffement de +2,8 et +3,2 degrĂ©s en 2100 en moyenne au niveau mondial, ce qui correspond Ă  +4 degrĂ©s pour la France, car l’Europe se rĂ©chauffe plus vite".

A lire aussi : Europe : Que vont engendrer des Ă©tĂ©s toujours plus extrĂȘmes ?

Dans un tel scénario, "il faut réaliser les impacts trÚs profonds que cela va engendrer sur de nombreux aspects sur lesquels nous organisons notre vie. Le transport et le tourisme n'échapperont pas à la rÚgle. Il faut bien se rendre compte que nous ne sommes pas face à une crise. Il n'y aura pas de retour en arriÚre.

Nous allons devoir gouverner le changement climatique pendant au moins toute la durée du 21e siÚcle"
lançait lors du Forum du SETO François Gemenne, politologue et coauteur du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec).


Climat : risques de transition et risques physiques

Dans quelle mesure le tourisme et le transport seront-ils impactés ? Et comment pourront-ils s'adapter ? Pour Clément Mallet, chef de projet Mobilités et Adaptation chez Carbone 4, cabinet de conseil sur les enjeux énergie et climat, plusieurs types de risques pÚsent sur l'industrie.

"Nous avons d'une part les risques de transition. Dans une économie qui se décarbone, nous ne sommes plus dans du business as usual. Sur le plan technologique, rÚglementaire, politique ou social, les conditions de marché vont changer.

Par exemple, l'Europe est amenée à faire peser des contraintes financiÚres de plus en plus fortes au secteur du transport. Il faut se poser la question : dans quelle mesure dans une économie qui se décarbone, mon business ou les business dont je dépends sont amenés à évoluer ?

D'autre part, il y a les risques physiques liĂ©s au rĂ©chauffement climatique, qui ne sont pas linĂ©aires : Ă©vĂšnements climatiques extrĂȘmes, vagues de chaleur... LĂ  il faut s'interroger sur ce que signifient les consĂ©quences physiques du rĂ©chauffement climatique pour mon activitĂ©. Il faut raisonner Ă  la fois pour son activitĂ©, mais aussi sa chaine de valeur
".

Transport longue distance, avion, croisiĂšres... est-ce que ces secteurs du tourisme pourront perdurer dans un monde oĂč les gouvernements changent leur rĂ©glementation et oĂč les habitudes des voyageurs seront amenĂ©es Ă  se modifier ?

Pour rappel, en 2021, l'Union européenne a rendu la neutralité climatique, c'est-à-dire l'objectif de zéro émission nette d'ici 2050, juridiquement contraignante dans l'UE. Elle a fixé un objectif intermédiaire de 55 % de réduction des émissions d'ici à 2030. Et le Pacte Vert en est la feuille de route.

A cÎté des contraintes rÚglementaires qui pourraient s'imposer, il y a aussi les contraintes technologiques mais aussi sociales comme nous avons pu le voir avec la montée en puissance du Flygskam, honte de prendre de l'avion. En effet sera t-il acceptable socialement d'effectuer des trajets longue distance en avion dans les années à venir ?

Quant aux risques physiques, avec une hausse des tempĂ©ratures de + 4 degrĂ©s en France sur une tempĂ©rature moyenne de 14°C, quelles pourraient ĂȘtre alors les consĂ©quences concrĂštes du rĂ©chauffement dans le tourisme ?

Des aéroports qui pourraient voir leur trafic stoppé

Carbone4 a publié en mai 2018 un rapport intitulé "Gérer les impacts du changement climatique sur les infrastructures, exemple des aéroports en période de fortes chaleurs".

"Suppression de vols, avions déroutés, dégradation des pistes, explosion de la consommation en climatisation, risques de rupture de la chaßne du froid pour certains produits sensibles... les impacts du changement climatique sur un aéroport sont multiples", explique ce document de 9 pages qui revient notamment sur la vague de chaleur qui a touché l'aéroport de Phoenix en Arizona en 2017.

Pendant 4 jours, la tempĂ©rature, qui a atteint jusqu'Ă  48°C, a affectĂ© le trafic : 50 vols en partance ou arrivant sur la plateforme ont Ă©tĂ© annulĂ©s en raison des fortes chaleurs. "Plus l'air est chaud, moins il est dense. Il faut donc atteindre une vitesse plus Ă©levĂ©e pour dĂ©coller. La longueur de la piste peut ĂȘtre un Ă©lĂ©ment dĂ©terminant pour atteindre cette vitesse. A Phoenix avec cette vague de chaleur, la densitĂ© de l'air a rendu impossibles les dĂ©collages", prĂ©cise ClĂ©ment Mallet.

Plus récemment en juillet 2022 au Royaume-Uni, l'aéroport de Londres Luton a interrompu ses opérations pendant un aprÚs-midi pour réparer la piste détériorée par la chaleur, le tarmac ayant en partie fondu.

Mais la chaleur n'est pas la seule menace. Des aĂ©roports qui ont gagnĂ© sur la mer pourraient aussi voir leurs infrastructures endommagĂ©es, en raison de l'augmentation du niveau de l'eau. "Il y a l'augmentation du niveau liĂ©e Ă  la fonte des glaces et Ă  la dilatation de l'eau. Mais Ă  cela se rajoutent l'aggravation et la frĂ©quence des Ă©vĂšnements climatiques extrĂȘmes. Des ouragans plus puissants pourraient se former et provoquer des submersions plus importantes."

Selon Carbone4, il s’agit probablement du premier facteur de risques physiques pour le secteur. 269 aĂ©roports seraient dĂ©jĂ  Ă  risque et dans un scĂ©nario de +2°C en 2100 (respect des accords de Paris), 30% d'aĂ©roports supplĂ©mentaires pourraient ĂȘtre concernĂ©s.

RĂ©seau ferroviaire : fortes chaleurs et alĂ©as climatiques extrĂȘmes

Le rail ne fait pas exception. ProblĂšme de catĂ©naire, d'alimentation Ă©lectrique ou de surchauffe du rail : le rĂ©seau ferroviaire français a dĂ©jĂ  fait face aux consĂ©quences de vagues de chaleur en France, provoquant une limitation de la vitesse ou dans les cas extrĂȘmes, d'arrĂȘts du trafic.

Comme nous l'explique SNCF RĂ©seau : "la tempĂ©rature des rails peut atteindre 60°C lorsque la tempĂ©rature de l’air approche les 40°C. SNCF RĂ©seau surveille aussi le risque de dĂ©tente du fil catĂ©naire, ce dernier devant ĂȘtre parfaitement rectiligne pour fonctionner correctement.

Pour autant, les lignes Ă  grande vitesse et les lignes modernisĂ©es sont conçues pour supporter des variations de tempĂ©ratures extrĂȘmes. Au fur et Ă  mesure de sa modernisation, le rĂ©seau intĂšgre ainsi de nouvelles rĂšgles de conception qui permettent de le rendre plus rĂ©silient. Les longs rails soudĂ©s qui sont posĂ©s actuellement, par exemple, absorbent les contraintes liĂ©es aux tempĂ©ratures Ă©levĂ©es et ils sont notamment fixĂ©s aux traverses et calĂ©s par un ballast en quantitĂ© calculĂ©e afin que l’ensemble ne se dĂ©forme pas.

Des Ă©volutions technologiques sur les catĂ©naires et des actions sur leur rĂ©glage permettent Ă©galement de rĂ©duire leur risque de dĂ©tente. Les lignes qui n’incluent pas de longs rails soudĂ©s font l'objet d'une maintenance spĂ©cifique supplĂ©mentaire."


Et puis il reste les risques liĂ©s lĂ  aussi aux Ă©pisodes climatiques extrĂȘmes : fortes pluies, incendies, tempĂȘtes, submersions qui peuvent entraver le bon fonctionnement des liaisons ferroviaires, mais Ă©galement du rĂ©seau routier.

Les normes de construction se basent trĂšs souvent sur l'historique du climat et pas sur le climat futur

"Les normes de construction se basent trÚs souvent sur l'historique du climat et pas sur le climat futur. Ce qui est intéressant dans les annonces de Christophe Béchu, c'est que certains éléments sont en discussion sur l'adaptation de la stratégie française par rapport au changement climatique.

Un des éléments de cette nouvelle référence, c'est que les normes devront tenir compte du réchauffement climatique
" explique Clément Mallet.

Le gouvernement prĂ©pare en ce sens un plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) qui va tenir compte d'une hausse de 4°C. Le prĂ©cĂ©dent plan se basait sur l'hypothĂšse d'une hausse de +3°C.

Une consultation sera organisée sur les moyens de faire face aux défis posés par un réchauffement plus important.

Quid de l'attractivité des destinations ?

A cĂŽtĂ© des transports, un des premiers impacts du rĂ©chauffement climatique concernera selon ClĂ©ment Mallet : l'attractivitĂ© mĂȘme des destinations.

Il ne fait plus de doute que la pĂ©rennitĂ© du ski l'hiver dans les Alpes est assez fortement remise en question : "La question de la neige naturelle en basse en altitude oĂč les scĂ©narios sont trĂšs pessimistes et oĂč mĂȘme la neige de culture ne peut pas ĂȘtre faite dans n'importe quelles conditions de tempĂ©rature. Certaines stations ne pourront plus opĂ©rer Ă  moyen terme, car il fera trop chaud".

Mais les destinations dites "soleil" pourraient toutes aussi ĂȘtre impactĂ©es.

"En Europe, les clients cherchent le soleil l'été, mais pas la canicule. Dans quelle mesure aprÚs plusieurs années de trÚs fortes chaleurs, les voyageurs auront-ils toujours envie d'aller sur les plages par exemple de Catalogne. Tout cela peut vraiment venir bouleverser le paysage touristique.

La question de la sĂ©cheresse se pose aussi de maniĂšre trĂšs marquĂ©e sur le bassin MĂ©diterranĂ©en. Est-ce qu'un territoire en Ă©tĂ© va continuer Ă  vouloir doubler, tripler ou plus sa population avec l'afflux de touristes alors mĂȘme qu'il a dĂ©jĂ  dĂ» mal Ă  s'alimenter en eau potable... ce n'est pas sĂ»r.

C'est un arbitrage qui n'est pas garanti. Ces situations peuvent rebattre les cartes des destinations considérées comme attirantes pour les vacanciers."


Une sĂšcheresse qui n'impacte pas seulement les zones cĂŽtiĂšres. Le lac de Serre-Ponçon, ou encore le Verdon ont dĂ» faire face en 2022, Ă  des niveaux extrĂȘmement bas. La croisiĂšre fluviale a Ă©galement dĂ» s'adapter sur le Rhin, dans le Doubs, ou encore en Franche-ComtĂ© et en Bourgogne.

Et puis il ne faut pas oublier les zones littorales impactées par la montée des eaux, qui devront là aussi faire face à des évÚnements climatiques plus intenses...

Pertes et investissement : des coûts importants

Des alĂ©as climatiques qui vont avoir un coĂ»t en termes d'investissement pour rendre plus rĂ©silientes nos infrastructures au changement climatique, mais Ă©galement en termes de pertes financiĂšres quand un Ă©vĂšnement extrĂȘme touche un territoire.

Selon le Conseil europĂ©en, les pertes financiĂšres causĂ©es par les phĂ©nomĂšnes mĂ©tĂ©orologiques et climatiques extrĂȘmes ont dĂ©passĂ© 487 milliards d'€ dans l'UE‑27 au cours des 40 derniĂšres annĂ©es.

Le coût global a été le plus élevé pour l'Allemagne, l'Italie et la France. Le coût économique des crues en Europe dépasse 5 milliards d'euros par an en moyenne.

Les incendies de forĂȘt causent chaque annĂ©e environ 2 milliards d'euros de dommages Ă©conomiques.

Selon France Assureurs, le coĂ»t des alĂ©as climatiques pris en charge par l’assurance pourrait doubler Ă  l’horizon 2050 en France, passant de 73 milliards Ă  143 milliards d’euros.

Des perspectives qui doivent faire prendre une nouvelle fois conscience de l'urgence climatique. Surtout qu'en Europe nous pourrions nous retrouver dans le pire des deux mondes : devoir faire de gros efforts pour se dĂ©carboner sous la contrainte des rĂšgles tout en devant faire face aux risques climatiques, consĂ©quence d'une explosion des Ă©missions dans un scĂ©nario oĂč le reste du monde ne ferait pas les mĂȘmes efforts...

"Il faut ĂȘtre conscient que les impacts qui vont toucher l’Europe et la France ne vont dĂ©pendre que trĂšs marginalement de ce que nous allons faire en France et en Europe pour rĂ©duire nos gaz Ă  effet de serre.

C’est toute la difficultĂ© du changement climatique : nous sommes liĂ©es comme jamais par la physique du climat
" expliquait François Gemenne lors du Forum du SETO.

Reste une bonne nouvelle selon lui : "Le rĂ©chauffement climatique c’est 50 nuances de rouge. Tout va se jouer de maniĂšre graduelle cela veut dire qu’il va falloir aller chercher chaque tonne de COÂČ. Toutes les tonnes de COÂČ qui ne sont pas envoyĂ©es dans l’atmosphĂšre, c’est toujours ça de gagnĂ©.

Il n’y a absolument aucune action contre le changement climatique qui soit inutile. Tout ce que nous allons entreprendre va faire une diffĂ©rence et mĂȘme une Ă©norme diffĂ©rence."
A bon entendeur !

L'Atlas du GIEC vous permettra de visualiser le changement climatique Ă  l’échelle rĂ©gionale.

CĂ©line Eymery Publié par CĂ©line Eymery Rédactrice en Chef - TourMaG.com
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