
Les agents de voyages ont le pouvoir de changer les choses, notamment sur la transition du secteur - Depositphotos @busone
Loin des grandes promesses et des beaux discours pendant la crise sanitaire, le secteur du tourisme a repris son rythme de croisière et ses séjours carbonés.
Non pas que les belles paroles soient toutes parties aux oubliettes, mais la transition n'est plus vraiment une priorité pour bien des groupes et réseaux de distribution.
Pourtant, les alertes sont nombreuses.
Le chef de l'ONU le rabâche à longueur de discours, les chercheurs annoncent qu'il ne sera plus possible de limiter le réchauffement à +1,5 °C ou encore qu'une septième limite planétaire sur neuf est atteinte.
Si le tourisme ne doit pas endosser tous les maux de notre société, il doit faire sa part, d'autant plus pour un secteur économique de loisirs, donc par définition non indispensable.
Malgré l'urgence, les différents bords du secteur se renvoient la balle.
Le tourisme durable, "c’est du marketing. Le client ne vient pas nous le demander dans une agence de voyages, il veut le billet d'avions le moins cher.
Je ne dis pas que ça n'existe pas ou que ça n'arrivera pas, mais ce n’est pas encore le cas.
Nous sommes des vendeurs de voyages, ce sont les chercheurs, les scientifiques qui rendront le voyage plus vert," a réitéré Laurent Abitbol, lors d'une table ronde de l'IFTM 2025.
Un discours qu'il avait déjà tenu quatre ans plus tôt.
Et si nous donnions, pour une fois, tort à la plus belle réussite de l'industrie ?
Non pas que les belles paroles soient toutes parties aux oubliettes, mais la transition n'est plus vraiment une priorité pour bien des groupes et réseaux de distribution.
Pourtant, les alertes sont nombreuses.
Le chef de l'ONU le rabâche à longueur de discours, les chercheurs annoncent qu'il ne sera plus possible de limiter le réchauffement à +1,5 °C ou encore qu'une septième limite planétaire sur neuf est atteinte.
Si le tourisme ne doit pas endosser tous les maux de notre société, il doit faire sa part, d'autant plus pour un secteur économique de loisirs, donc par définition non indispensable.
Malgré l'urgence, les différents bords du secteur se renvoient la balle.
Le tourisme durable, "c’est du marketing. Le client ne vient pas nous le demander dans une agence de voyages, il veut le billet d'avions le moins cher.
Je ne dis pas que ça n'existe pas ou que ça n'arrivera pas, mais ce n’est pas encore le cas.
Nous sommes des vendeurs de voyages, ce sont les chercheurs, les scientifiques qui rendront le voyage plus vert," a réitéré Laurent Abitbol, lors d'une table ronde de l'IFTM 2025.
Un discours qu'il avait déjà tenu quatre ans plus tôt.
Et si nous donnions, pour une fois, tort à la plus belle réussite de l'industrie ?
Tourisme durable : "il faut que les producteurs s’y mettent !"

"Nous sommes ciblés sur l'empreinte carbone et il nous faut trouver des réponses positives. Surtout, ne tenez pas le discours qui consiste à dire : 'aucun de mes clients ne me parle de l'impact carbone de son séjour'.
Car ceux qui ne voyagent pas, voyagent moins ou différemment en raison de leurs convictions, ne sont pas nos clients, donc nous ne les voyons pas.
Il faut donc que nous prenions à cœur cette notion d'éco-responsabilité," nous confiait Jean-Pierre Mas qui était à l'époque Président des EDV.
Ce dernier craignait que cette posture n’enferme les opérateurs dans la nécessité d'agir et qu'à force, un jour, des politiques viennent mettre un coup d'arrêt à l'activité.
Rappelons que le voyage représente au minimum 11 % des émissions de la France. Et encore, ce calcul ne prend pas en compte les émissions du transport international, dont l'aérien, et les achats non produits sur le territoire français.
D'après Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique des transports, il serait nécessaire d’ajouter 4,4 % au bilan pour refléter plus strictement la réalité.
Nous serions donc à plus de 15% de la pollution émise par notre pays, pour seulement 3,6 à 8 % du PIB, selon les sources.
Et comme l'explique l'ADEME, afin de respecter l'Accord de Paris, l'écosystème va devoir baisser ses émissions de 35 à 50 % d’ici 2030. Sauf que 70 % de ces émissions proviennent des transports, et les leviers pour réduire cette empreinte sont plus ou moins difficiles à actionner.
Il faut bien reconnaître que les distributeurs et producteurs, aussi puissants soient-ils, ne peuvent pas produire d'avions électriques eux-mêmes, ni même pousser Airbus ou Boeing à créer des appareils plus durables.
Sans être un prophète de mauvais augure, il est fort à parier que le secteur ne sera pas au rendez-vous. Reste, qui'il est urgent d'agir et certains l'ont compris.
Tourisme durable : "la première problématique a été de convaincre les agents"
"Pour poser le contexte, je tiens à préciser que chez Eden Tour, nous sommes référencés auprès de Selectour. Nous avons donc des accords de distribution et des consignes de vente.
Notre première problématique sur l'écotourisme est de trouver chez les TO ceux qui peuvent répondre à nos besoins. D'une façon générale, nous n’avons pas les produits.
En tant que distributeur, il faut que les producteurs s’y mettent, cela nous manque," a expliqué Isabelle Jaecques, la directrice commerciale du réseau Eden Tour.
Une affirmation qui ne consiste pas à renvoyer stérilement la faute à un autre acteur, mais plutôt de pointer du doigt le problème de ces agences.
Au sein des 25 points de vente de l'entreprise vendéenne, les salariés ont été sensibilisés à la cause, sauf que cette formation n'a quasiment aucun impact sur les résultats de l'entreprise, puisqu'il n'existe que très peu de produit référencé, si ce n'est Kappa Club.
"L'une des premières problématiques a été de convaincre les 60 vendeurs, puis de trouver les produits à mettre en face.
Pour travailler ce dossier du durable, j'ai pris l'angle de la RSE, afin d’embarquer les salariés. Une fois cette première étape franchie, qui a pris plusieurs années, en 2025 nous nous posons maintenant la question des produits à mettre en face du tourisme durable.
Nous jouons le jeu du réseau et ça nous va bien d'être chez Selectour.
Je pense que 80 % des ventes sont des forfaits de tour-opérateurs, sauf qu’il est compliqué de trouver les produits adéquats. D’autant plus que les rares producteurs qui font des choses correctement ne communiquent pas vraiment," déplore la responsable.
Eden Tour a signé un partenariat avec Double Sens, non référencé par la marque à l’hippocampe, pour apporter un peu plus de poids à ses convictions.
Et si les producteurs ont du mal à opérer cette mue, c'est aussi que la recherche de partenaires sensibilisés à la cause, comme c'est le cas dans l'écotourisme, n'est pas chose aisée.
Il faut parfois pousser et explorer le terrain pour éviter de tomber dans le greenwashing.
Notre première problématique sur l'écotourisme est de trouver chez les TO ceux qui peuvent répondre à nos besoins. D'une façon générale, nous n’avons pas les produits.
En tant que distributeur, il faut que les producteurs s’y mettent, cela nous manque," a expliqué Isabelle Jaecques, la directrice commerciale du réseau Eden Tour.
Une affirmation qui ne consiste pas à renvoyer stérilement la faute à un autre acteur, mais plutôt de pointer du doigt le problème de ces agences.
Au sein des 25 points de vente de l'entreprise vendéenne, les salariés ont été sensibilisés à la cause, sauf que cette formation n'a quasiment aucun impact sur les résultats de l'entreprise, puisqu'il n'existe que très peu de produit référencé, si ce n'est Kappa Club.
"L'une des premières problématiques a été de convaincre les 60 vendeurs, puis de trouver les produits à mettre en face.
Pour travailler ce dossier du durable, j'ai pris l'angle de la RSE, afin d’embarquer les salariés. Une fois cette première étape franchie, qui a pris plusieurs années, en 2025 nous nous posons maintenant la question des produits à mettre en face du tourisme durable.
Nous jouons le jeu du réseau et ça nous va bien d'être chez Selectour.
Je pense que 80 % des ventes sont des forfaits de tour-opérateurs, sauf qu’il est compliqué de trouver les produits adéquats. D’autant plus que les rares producteurs qui font des choses correctement ne communiquent pas vraiment," déplore la responsable.
Eden Tour a signé un partenariat avec Double Sens, non référencé par la marque à l’hippocampe, pour apporter un peu plus de poids à ses convictions.
Et si les producteurs ont du mal à opérer cette mue, c'est aussi que la recherche de partenaires sensibilisés à la cause, comme c'est le cas dans l'écotourisme, n'est pas chose aisée.
Il faut parfois pousser et explorer le terrain pour éviter de tomber dans le greenwashing.
Tourisme durable : les agents de voyages, ces super-héros !
"En tant que pionnière dans le sujet du bien-être animal, j'ai dû essuyer les plâtres. Il a été difficile de trouver les bons partenaires, car nous avons placé les curseurs très hauts.
J'ai par exemple mis deux ans à trouver des prestataires en Tanzanie.
En écotourisme, il faut comprendre les problématiques à destination, les analyser avec les ONG, les scientifiques, etc. Grâce à cela, on va mieux comprendre et adapter nos produits, sinon c’est du greenwashing," confie Aurélie Orengo Berthet, la fondatrice de Voyage Sauvage.
Une fois tout ce travail effectué, la clé de la croissante verte est entre les mains de la distribution.
Contrairement à ce que nous pourrions imaginer, un client fait bien plus attention aux conseils des agents qu'il n'y paraît. Ils ne viennent pas tous avec un objectif précis, ni une idée totalement arrêtée.
Les agents de voyages ont un super pouvoir : celui d'orienter les choix de leurs clients.
"Nous n'avons pas toujours conscience, en agence, du pouvoir que nous avons.
Il ne faut pas oublier qu'un client qui pousse les portes d'une agence, cela signifie qu'il a besoin du conseil et qu'il vient chercher de l'expertise. La première démarche vient de lui.
Nous devrions utiliser ce pouvoir dans le bon sens et le mettre à profit de toutes ces valeurs autour du tourisme durable, à commencer par sensibiliser les clients," estime Myriam Tord.
Pour réussir cette bascule, il faut donc partir de la base.
Former les agents, leur permettre de prendre conscience de l'importance d'agir permettra ensuite une véritable appropriation du sujet. Il est aussi indispensable de mettre en place tout un nouveau narratif dans le secteur.
Voyager différemment, cela implique de nouvelles histoires, de nouveaux produits et rêves.
J'ai par exemple mis deux ans à trouver des prestataires en Tanzanie.
En écotourisme, il faut comprendre les problématiques à destination, les analyser avec les ONG, les scientifiques, etc. Grâce à cela, on va mieux comprendre et adapter nos produits, sinon c’est du greenwashing," confie Aurélie Orengo Berthet, la fondatrice de Voyage Sauvage.
Une fois tout ce travail effectué, la clé de la croissante verte est entre les mains de la distribution.
Contrairement à ce que nous pourrions imaginer, un client fait bien plus attention aux conseils des agents qu'il n'y paraît. Ils ne viennent pas tous avec un objectif précis, ni une idée totalement arrêtée.
Les agents de voyages ont un super pouvoir : celui d'orienter les choix de leurs clients.
"Nous n'avons pas toujours conscience, en agence, du pouvoir que nous avons.
Il ne faut pas oublier qu'un client qui pousse les portes d'une agence, cela signifie qu'il a besoin du conseil et qu'il vient chercher de l'expertise. La première démarche vient de lui.
Nous devrions utiliser ce pouvoir dans le bon sens et le mettre à profit de toutes ces valeurs autour du tourisme durable, à commencer par sensibiliser les clients," estime Myriam Tord.
Pour réussir cette bascule, il faut donc partir de la base.
Former les agents, leur permettre de prendre conscience de l'importance d'agir permettra ensuite une véritable appropriation du sujet. Il est aussi indispensable de mettre en place tout un nouveau narratif dans le secteur.
Voyager différemment, cela implique de nouvelles histoires, de nouveaux produits et rêves.
Agent de voyages : comme tout commerçant, il doit être le garant de la qualité de ses produits !
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"Les clients ne nous demandent pas vraiment, même si paradoxalement, nous vendons de plus en plus de train.
Les TO pourraient mettre en parallèle, dans leurs brochures, pour chaque produit, une offre classique et une autre basée sur l'écotourisme. Ainsi, pour chaque client, nous serions en mesure de proposer quelque chose de concret.
Quand j'étais agent de voyages, un autocariste présentait dans sa brochure son voyage de l'année sur une double page, avec d'un côté le tarif d’entrée de gamme et de l'autre celui plus long et de meilleure qualité.
Finalement, avoir ces deux produits faisait que nous vendions bien souvent le plus cher, car nous pouvions comparer," explique Isabelle Jaecques.
Ainsi, la production doit revoir sa copie, sa façon de concevoir des voyages, des brochures et aussi de travailler l'imaginaire.
Nous en avons souvent parlé, mais le dépaysement n'a pas toujours rimé avec long-courrier et activités parfois à la limite du respectable, notamment pour les animaux ou la planète.
Il y a bien des initiatives comme Mollow, Hourrail et bien d'autres qui promeuvent un autre voyage, ainsi que des tour-opérateurs comme VeryTrain.
En seulement six mois d'existence, l'activité de voyagiste de Hugo Bazin a dépassé celle traditionnelle de vente de billets de Tictactrip, sa start-up originelle.
Dire que le tourisme durable n'a pas de public n’est donc pas exact.
"Alors oui, aucun client ne rentre dans l'agence en disant 'je veux un voyage durable', mais c'est aussi parce que dans leur vision de notre métier, ils estiment que nous avons fait un bon sourcing des produits, des prestataires, que nous nous sommes assurés que les revenus reviennent aux bonnes personnes, etc.
Je pense que nous devons nous engager sur cette dimension sans même attendre que les clients l'expriment," affirme Myriam Tord, conseillère voyage chez Versailles Voyages.
En somme, comme la confiance que vous accordez à votre boulanger, boucher ou restaurateur préféré sur sa capacité à sélectionner les bons produits, les agents vont peut-être demain devoir se montrer irréprochables, pour être à la hauteur des attentes de la société.
La responsable d'Eden Tour va même plus loin, en imaginant demain des voyages, qu'importe le tour-opérateur, qui seront systématiquement durables.
Les TO pourraient mettre en parallèle, dans leurs brochures, pour chaque produit, une offre classique et une autre basée sur l'écotourisme. Ainsi, pour chaque client, nous serions en mesure de proposer quelque chose de concret.
Quand j'étais agent de voyages, un autocariste présentait dans sa brochure son voyage de l'année sur une double page, avec d'un côté le tarif d’entrée de gamme et de l'autre celui plus long et de meilleure qualité.
Finalement, avoir ces deux produits faisait que nous vendions bien souvent le plus cher, car nous pouvions comparer," explique Isabelle Jaecques.
Ainsi, la production doit revoir sa copie, sa façon de concevoir des voyages, des brochures et aussi de travailler l'imaginaire.
Nous en avons souvent parlé, mais le dépaysement n'a pas toujours rimé avec long-courrier et activités parfois à la limite du respectable, notamment pour les animaux ou la planète.
Il y a bien des initiatives comme Mollow, Hourrail et bien d'autres qui promeuvent un autre voyage, ainsi que des tour-opérateurs comme VeryTrain.
En seulement six mois d'existence, l'activité de voyagiste de Hugo Bazin a dépassé celle traditionnelle de vente de billets de Tictactrip, sa start-up originelle.
Dire que le tourisme durable n'a pas de public n’est donc pas exact.
"Alors oui, aucun client ne rentre dans l'agence en disant 'je veux un voyage durable', mais c'est aussi parce que dans leur vision de notre métier, ils estiment que nous avons fait un bon sourcing des produits, des prestataires, que nous nous sommes assurés que les revenus reviennent aux bonnes personnes, etc.
Je pense que nous devons nous engager sur cette dimension sans même attendre que les clients l'expriment," affirme Myriam Tord, conseillère voyage chez Versailles Voyages.
En somme, comme la confiance que vous accordez à votre boulanger, boucher ou restaurateur préféré sur sa capacité à sélectionner les bons produits, les agents vont peut-être demain devoir se montrer irréprochables, pour être à la hauteur des attentes de la société.
La responsable d'Eden Tour va même plus loin, en imaginant demain des voyages, qu'importe le tour-opérateur, qui seront systématiquement durables.