TourMaG.com, le média spécialiste du tourisme francophone
TourMaG.com, 1e TourMaG.com, 1e

logo TourMaG  



Des campings sans campeur et des auberges sans jeunesse ? 🔑

l'Ă©dito de Juliette Pic


Entre les campings qui prĂ©fĂšrent les bungalows aux emplacements nus et les auberges de jeunesse dont les tarifs ne cessent d’augmenter, le tourisme aurait-il oubliĂ© de rester « populaire » ?


Rédigé par le Lundi 22 Mai 2023

A quoi ressembleront les campings, sans tentes ni emplacements ? DR : Olivier Lemercier, gĂ©rant du camping de l’Iscle de Prelles
A quoi ressembleront les campings, sans tentes ni emplacements ? DR : Olivier Lemercier, gĂ©rant du camping de l’Iscle de Prelles
Ah, LĂ©o Lagrange, le tout premier ministre du tourisme. Ce qu’il disait en 1934 fait singuliĂšrement Ă©cho, prĂšs d’un siĂšcle plus tard : « le loisir devient presque plus important que le travail (...) [Il] deviendra la part la plus importante de la vie ».

Fort de ce constat, il estimait que le tourisme populaire Ă©tait une des meilleures maniĂšres de favoriser la mixitĂ© sociale et d’aider au bien-ĂȘtre de tout un chacun.

Et pour dĂ©velopper le tourisme populaire, il s’appuie sur les campings, les rĂ©seaux d’auberges de jeunesse et les colonies de vacances.

Lire aussi : Homo touristicus : "On dĂ©teste cet ĂȘtre qui voyage sans raison Ă©vidente..."

Les temps changent et avec eux, le tourisme.

Bien qu’elles reçoivent de moins en moins de monde, ces derniĂšres gardent encore un caractĂšre dĂ©mocratique grĂące notamment aux associations d’éducation populaire.

Quant aux campings et aux auberges de jeunesse, le constat des clients est de plus en plus amer. Les aficionados de l’auberge de jeunesse et du camping ont de plus en plus de mal à trouver un emplacement nu ou un lit en dortoir.

En matiĂšre de dĂ©veloppement durable, l’écologique ne suffit pas, le social est aussi un critĂšre d’importance.

Alors que l’inflation pĂšse et que l’écart entre les plus riches et les plus pauvres augmente, les vacances des plus prĂ©caires se compliquent.


Des campings sans campeur

« 80 % de la population française a une bonne image du camping. Mais le regard des campeurs habituĂ©s, lui, se dĂ©grade » observe Olivier Lemercier, gĂ©rant du camping de l’Iscle de Prelles dans les Hautes-Alpes.

En cause : la diminution du nombre d’emplacements nus au profit des bungalows. Et c’est vrai que pour les habituĂ©s, qui viennent en camping pour se dĂ©tendre en pleine nature, planter sa tente entre un bungalow en dur et un mobil-home, c’est un peu dĂ©cevant.

Au-delà du plaisir de camper, cette tendance réduit à peau de chagrin les possibilités de vacances peu coûteuses.

Olivier Lemercier est l’un des fondateurs de l’association Sauvons le vrai camping qui veut prĂ©server les emplacements nus dans les campings pour les diffĂ©rencier des Ă©tablissements qui se transforment en « villages plein air ».

En cause selon lui : la financiarisation du secteur, avec l’arrivĂ©e de fonds de pension dans le capital de certains Ă©tablissements et la concentration autour de grands groupes. Une course Ă  la rentabilitĂ© qui dĂ©tĂ©riore l’expĂ©rience des campeurs « canal historique », ironiquement chassĂ©s des campings par le manque d'emplacements nus.

Mais l’association ne veut pas dĂ©financiariser ni dĂ©concentrer. La seule chose qu’elle demande : sauvegarder les emplacements nus alors que leur nombre baisse d’environ 3 % par an.

Lire aussi : Nicolas Dayot : "Il faut stopper la disparition des campings français"

« On doit forcer les gĂ©rants Ă  accepter les campeurs. Soit par la loi, soit par le classement Atout France. Aujourd’hui, il se fait sur la base de 195 critĂšres.

Pour avoir ses étoiles, on nous oblige à avoir le Wi-Fi, des aires de jeux
 Mais pas une seule mention des campeurs ! On ne doit pas nécessairement avoir des sanitaires collectifs, des douches ou une laverie


Nous demandons un 196Ăšme critĂšre : pour ĂȘtre classĂ©, le camping doit prĂ©server entre 25 et 30 % d’emplacements nus »
.

Une montĂ©e en gamme qui n’est pas contestĂ©e par l’association, mais qui Ă©loigne du camping ses premiers bĂ©nĂ©ficiaires : les classes sociales populaires, les classes moyennes infĂ©rieures et les Ă©tudiants.

Des auberges sans jeunesse

Ce qui est vrai pour les campings l’est aussi pour les auberges de jeunesse : de plus en plus, la clientĂšle classique est remplacĂ©e par un public plus aisĂ©, qui aime la simplicitĂ© qu’offre ce type d’hĂ©bergement, mais ne veut pas renoncer aux avantages d’une hĂŽtellerie classique.

Les auberges de jeunesse se gentrifient ! Et pour contenter cette nouvelle clientÚle, les dortoirs font place aux chambres, et les prix sont tirés vers le haut.

C’est ce que dĂ©nonce sur LinkedIn Alain Marty, spĂ©cialiste de l’hĂŽtellerie et consultant en dĂ©veloppement durable : « Quel est le tarif d'un lit en dortoir mixte (8 personnes) Ă  Paris en 2023 ? Par exemple, au hasard, le "The Paris People Marais" en mai. RĂ©ponse : 96 € par nuit sur Booking.com. Nous parlons bien ici d'1 lit dans un dortoir. »

Ainsi, une Ă©tude mise Ă  jour le 5 mai 2023 pour Hostel.com Ă©value « le prix d'une nuit dans un hostel ou auberge de jeunesse (dortoir ou chambre pour 2 adultes) en France en 2023 » Ă  100 € (avec un prix minimum de 85 € et maximum de 116 €).


Je me suis alors tournĂ©e vers l’Union Étudiante, deuxiĂšme organisation Ă©tudiante de France, pour connaĂźtre son point de vue sur la question, et savoir si ces prix correspondaient Ă  ceux que pourraient mettre un Ă©tudiant.

« Globalement, les prix sont exorbitants, me rĂ©pond Emmy Marc, secrĂ©taire fĂ©dĂ©rale de l’Union Étudiante. Les changements dans le tourisme rendent de moins en moins accessibles des lieux qui Ă©taient faits pour les Ă©tudiants et les plus prĂ©caires. »

Des Ă©tablissements qui, selon elle, « se romantisent, se boboĂŻsent ». Et c’est vrai que de plus en plus, on valorise un cĂŽtĂ© start-up nation qui Ă©loigne la clientĂšle plus classique.

En moyenne, si on en croit le SĂ©nat, « les ressources mensuelles moyennes (et non mĂ©dianes, ndlr) des Ă©tudiants s'Ă©tablissent Ă  919 € » dont les 2/3 sont dĂ©volus au logement.

Lire aussi : Le slow tourisme peut-il s'ancrer dans nos sociétés ?

Pour Emmy Marc, les Ă©tudiants, qui travaillent l’étĂ©, n’ont ni l’argent ni le temps de partir. Alors, que faire ? « On dĂ©fend l’allocation d’autonomie et on souhaite prĂ©server le service public du CROUS. Il proposait pourtant des partenariats Ă  des prix abordables, avec l’UCPA par exemple, mais qui se rarĂ©fient »

Étudiants, prĂ©caires, classes populaires et moyennes basses ont de plus en plus de mal Ă  profiter de leurs vacances. Certes, ils dĂ©pensent moins que d’autres.

Mais Ă  l’heure de la sobriĂ©tĂ©, peut-ĂȘtre que le tourisme devrait revenir Ă  ses fondamentaux : les loisirs populaires.

Juliette Pic Publié par Juliette Pic Journaliste - rubrique Voyages Responsables - TourMaG.com
Voir tous les articles de Juliette Pic
  • picto Linkedin
  • picto email

Lu 4400 fois

Notez

Commentaires

1.Posté par PAT44 le 22/05/2023 10:08 | Alerter
Utilisez le formulaire ci-dessous pour envoyer une alerte au responsable du site concernant ce commentaire :
Annuler
A noter que de nombreux Comités d'Entreprise participent financiÚrement sur le prix des locations de mobilhomes ce qui baisse la facture.
De mĂȘme il existe le systĂšme Vacaf pour les moins lotis

2.Posté par Stéphane le 23/05/2023 03:39 | Alerter
Utilisez le formulaire ci-dessous pour envoyer une alerte au responsable du site concernant ce commentaire :
Annuler
Excellente analyse et tout Ă  fait juste.
Ayant été pendant presque 30 ans directeur adjoint dune trÚs grosse auberge de jeunesse sur Paris des le début des années 1990, j'ai assisté à ce glissement, cette "gentyfication" de ce secteur, initialement fleuron de l'éducation populaire et sociale.
A mon sens, cette tendance est et restera irréversible !

3.Posté par STEPH le 10/06/2023 08:01 | Alerter
Utilisez le formulaire ci-dessous pour envoyer une alerte au responsable du site concernant ce commentaire :
Annuler
TrÚs bonne analyse, les auberges s'adressent malheureusement aujourd'hui à la jeunesse plus aisée.....elles deviennent des auberges "IKEA"....Cooconing, bar et DJ....chambres individuelles......wifi et sÚche cheveux indispensables....est des tarifs de plus en plus haut....

Vacaf fonctionne pour des villages vacances, pour les familles, mais pour les 18-27 qui n'ont pas beaucoup de moyen, pas beaucoup de solution pour voyager en autonomie et se déplacer...

Triste constat...

Nouveau commentaire :

Tous les commentaires discourtois, injurieux ou diffamatoires seront aussitÎt supprimés par le modérateur.
Signaler un abus














































TourMaG.com
  • Instagram
  • Twitter
  • Facebook
  • YouTube
  • LinkedIn
  • GooglePlay
  • appstore
  • Google News
  • Bing Actus
  • Actus sur WhatsApp
 
Site certifié ACPM, le tiers de confiance - la valeur des médias