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Les avocats américains jugent le code du tourisme "communiste" ! [ABO]

ESTA validé, puis refusé... les clients attaquent les agences en France


Quelques heures après la fermeture de l’IFTM, Washington accueillait l’IFTTA (The International Forum of Travel and Tourism Advocates). Une conférence réunissant des avocats spécialisés dans le tourisme et les transports, venus échanger sur leurs pratiques et les difficultés liées aux réglementations locales. Parmi les nombreux participants, venus de 14 pays à travers le monde, figurait Chloé Rezlan. L’avocate française nous livre ses impressions.


Rédigé par le Vendredi 24 Octobre 2025

Les avocats américains ont utilisé la pire insulte possible pour qualifier le droit du tourisme français et surtout la  responsabilité de plein droit - Depositphotos @hofred
Les avocats américains ont utilisé la pire insulte possible pour qualifier le droit du tourisme français et surtout la responsabilité de plein droit - Depositphotos @hofred
Fin septembre 2025, alors que l’IFTM fermait brutalement ses portes, un autre événement faisait le plein de l’autre côté de l’Atlantique.

Certes, la jauge était plus modeste et la caisse de résonance bien plus discrète, mais l’intérêt, lui, était bien là.

Ils étaient 70 participants à se rendre à la 36ᵉ Conférence annuelle de l’IFTTA, The International Forum of Travel and Tourism Advocates. Une rencontre d’avocats spécialisés dans le tourisme, tenue dans le cadre feutré de l’hôtel Dupont Circle, en plein cœur de Washington D.C.

Pendant que les Washingtoniens profitaient des dernières heures d’un été indien, les juristes venus de 14 pays prenaient place dans une salle de séminaire du rez-de-chaussée, prêts à débattre droit, normes et jurisprudence.

Pour la première fois, Chloé Rezlan participait à cet événement - aux côtés d’autres avocats français du secteur.

"On se réunit chaque année, une fois à l’échelle internationale, et cette année l’IFTTA a posé ses valises à Washington D.C.

L’idée de la conférence est d’échanger entre juristes exerçant dans le droit du tourisme et des transports, partout dans le monde, sur la réglementation et l’évolution du secteur.

Parmi les participants, on retrouve des avocats, mais aussi des professeurs de droit, des lobbyistes ou encore des législateurs,
" nous confie, la cofondatrice d'Adeona Avocats.


"Un avocat US est intervenu sur l’essor de la fraude dans le voyage"

Durant 48 heures, les participants ont pris la parole et échangé sur les bonnes pratiques, mais aussi comparé les législations en vigueur, les décisions rendues et les tendances du marché.

C’était aussi l’occasion de porter un regard critique sur l’industrie touristique.

"Cela nous offre un moment assez unique entre collègues, finalement.

Le panel des participants donne un panorama très complet de professionnels du droit, pour échanger sur la réglementation actuelle et à venir du tourisme, en Europe et ailleurs.

Ces échanges nous permettent de mieux anticiper et comprendre les évolutions du droit, de mieux nous adapter, mais aussi de découvrir d’autres pratiques, pour nous en inspirer et, in fine, renforcer l’accompagnement de nos clients, les professionnels du tourisme,
" explique-t-elle à propos de ce type d’événement.

Outre les rencontres enrichissantes et les discussions avec des passionnés du secteur, l’avocate dit avoir beaucoup appris des différentes interventions de ses confrères.

Chaque pays dispose de sa propre législation touristique, avec des problématiques souvent très différentes.

"Au sujet de l’intelligence artificielle, j’ai pu comparer notre réglementation avec celle des États-Unis. L’Europe a adopté une position plus stricte vis-à-vis de l’IA, mais sans doute plus efficace.

Les professionnels souhaitent que ce domaine soit encadré : ils ne veulent pas que tout passe par ce canal, ils tiennent à ce que les décisions restent humaines, et que les entretiens annuels ne soient pas confiés à des chatbots.


Un confrère américain est également intervenu sur l’essor de la fraude dans le voyage.

C’est un secteur très vulnérable sur ce sujet, et nous le constatons au cabinet, avec les fraudes via les GDS, cartes bancaires, ou encore les arnaques au président
," poursuit Chloé Rezlan.

Voyages aux USA : ESTA validé, puis refusé... les clients attaquent les agences

Thomas Carpenter est un avocat américain dans le cabinet Carpenter Law Group PC, basé à New York.

Il a surtout une particularité introuvable en Europe : il est lui aussi… agent de voyages. Cofondateur d’Huckleberry Travel, il conçoit des voyages sur mesure et personnalisés.

"Outre-Atlantique, ils peuvent cumuler plusieurs activités professionnelles. Il a donc pu nous expliquer la situation et donner des exemples concrets rencontrés dans son quotidien d’agent.

Il a partagé des tips intéressants sur les fraudes.

Cela démarre souvent par un petit achat anodin, comme une nuitée d’hôtel. Le client se présente à la réception et effectue le check-in. L’agence pense alors que la réservation est réelle, alors qu’en réalité, d’autres billets ou séjours seront émis frauduleusement,
" nous partage l'avocate française.

Une intervention qui rappelle combien les professionnels doivent rester vigilants face aux demandes sortant de l’ordinaire.

Un nouveau client qui multiplie les demandes luxueuses, sans jamais montrer la moindre sensibilité au prix, doit immédiatement faire tilt.

Même alerte lorsque les requêtes proviennent d’e-mails suspects, de coordonnées incohérentes avec le profil du client, ou encore quand le voyageur se montre anormalement pressant dans ses réservations.

L’avocat recommande aussi de désactiver l’émission automatique de billets GDS après les heures de travail et d’activer la double authentification sur tous les comptes de l’entreprise, une pratique déjà obligatoire dans plusieurs pays européens.

Enfin, une attention particulière doit être portée aux réservations effectuées par mail : vérifier la formulation, l’adresse de l’expéditeur, l’orthographe, mais aussi les informations figurant dans la signature électronique.

Autre sujet brûlant de ce colloque : les demandes de visa pour les États-Unis. Car si l’administration Trump avait déjà compliqué la vie des ressortissants de certaines nationalités, les Français ne sont pas toujours épargnés.

"Nous avons beaucoup échangé sur les droits des étrangers.

Au cabinet, nous traitons de plus en plus de dossiers de clients dont l’ESTA a été validé, puis refusé, sans qu’ils en soient informés.
Or, ces voyageurs, bloqués à l’embarquement, se retournent ensuite contre leur agence de voyages.

Des avocats spécialisés en droit de l’immigration sont intervenus pour expliquer le process, les bonnes pratiques et la réalité du terrain. Cela va me permettre de mieux répondre aux confrères adverses,
" analyse la cofondatrice d'Adeona Avocats.

"Ils ont qualifié notre droit français de droit communiste, la pire insulte pour des Américains"

L'une des grandes problématiques, aussi bien pour les voyageurs que pour les professionnels, reste le manque total d’explications de la part des services de l’immigration, qui prennent souvent des décisions aussi arbitraires qu’incompréhensibles.

Il faut savoir que la politique d’entrée sur le territoire américain dépend directement du président et de son gouvernement.

Ils peuvent donc durcir les conditions à leur guise - comme le fait actuellement Donald Trump - faute de textes législatifs récents et réellement contraignants sur le sujet.

Alors que Benoit Chantoin, de l’ECTAA, est intervenu pour évoquer son travail de lobbyiste, la révision de la directive sur les voyages à forfait a également été abordée, tout comme les spécificités du droit français du tourisme.

C’est à ce moment que l’avocate parisienne est montée sur scène pour présenter les particularités de notre Code du tourisme, provoquant quelques cris d’effroi dans la salle.

"J’ai voulu partager deux messages importants. Le premier : les opérateurs étrangers qui souhaitent développer leur activité sur le marché français font face à plusieurs obligations, notamment celle de disposer d’une garantie financière, même pour les sociétés basées hors d’Europe.

Le deuxième point : je suis revenue sur les jurisprudences concernant la responsabilité de plein droit et le principe de solidarité entre agences de voyages et tour-opérateurs.

Les réactions ont été unanimes, ils ont trouvé cela totalement lunaire et dramatique pour les professionnels. Ils ont même qualifié notre droit de "droit communiste", la pire insulte possible pour des Américains,
" sourit Chloé Rezlan.

Un qualificatif lancé sur le ton de la plaisanterie, mais qui illustre parfaitement le fossé culturel et juridique entre les deux systèmes.

Responsabilité de plein droit : vers une action à la Cour de justice de l'Union européenne ?

Finalement, les agences de voyages françaises doivent composer avec une réglementation parmi les plus contraignantes au monde.

C’est en comparant et en recueillant les impressions de professionnels basés à l’étranger que l’on réalise à quel point cette anomalie est pénalisante et redoutable pour les acteurs du secteur.

"Nous avons discuté des différentes options pour faire bouger les lignes, notamment celle de porter le débat devant la Cour de justice de l’Union européenne, en raison d’une mauvaise transposition de la directive.

Il faut savoir si nous sommes éligibles et j'imagine que les instances ont déjà étudié la question.

Je vais me pencher sur les solutions possibles dans les prochaines semaines, pour voir si nous pouvons proposer une alternative à l’action déjà engagée devant le Conseil d’État,
" nous dévoile l'avocate.

Avant d’en savoir plus sur les éventuels recours de l’industrie touristique française contre cette surtransposition, une chose est sûre, la 37e Conférence annuelle de l’IFTTA se tiendra… en France.

La cofondatrice d’Adeona Avocats aura la lourde tâche d’organiser l’événement.

"Ce sera l’occasion de mettre en valeur nos opérateurs et nos pratiques, mais aussi la ville de Paris. Je suis actuellement à la recherche de sponsors, avis aux intéressés !" lance en guise de conclusion Chloé Rezlan.


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