Quand les chefs étoilés font rayonner les destinations touristiques [ABO]

Quand il s’agit d’accompagner les destinations dans leur stratégie de développement touristique, on commence toujours par un temps d’analyse de l’offre et, en particulier, de l’offre d’hébergement parce qu’elle structure la capacité d’accueil des touristes.

Mais on voit bien que le nombre de lits d’hôtels ou de campings ne suffit pas pour comprendre ce qui fabrique l’identité et l’attractivité d’une destination, et par là-même sa fréquentation touristique.

Le patrimoine historique attire, les activités de pleine nature attirent, l’océan et la montagne sont des moteurs historiques d’attractivité, les parcs à thème plus récemment. Et puis, il y a d’autres acteurs/facteurs d’attractivité dont on parle peu : les chefs étoilés !

Dans le cadre d’une réflexion relative aux dynamique touristiques des destinations régionales que je présenterai prochainement, je me suis intéressé à ce que la présence d’un chef étoilé générait comme dynamique économique sur son territoire.

C’est un sujet qu’on aborde peu, mais pour avoir un voisin dans mon village auvergnat qui fut étoilé Michelin, j’avais un jour échangé avec lui afin de savoir ce que cette distinction suprême avait changé dans son entreprise.

Dans son cas, une première étoile pour son restaurant situé dans une commune de moyenne montagne à 50 km de Clermont-Ferrand, c’était une dizaine d’emplois supplémentaires !

Celles et ceux qui doutent de l’intérêt de s’engager dans une démarche de qualité, auraient tout intérêt à s’intéresser aux performances des établissements étoilés.

Je parle de démarche qualité, parce que je considère que Michelin qui a été un acteur de premier plan dans le tourisme, a inventé avec ses guides, et en particulier son guide rouge, les premières démarches qualité de la filière du tourisme.

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Il faut se rappeler que le premier guide rouge sort en 1900 à l’occasion de l’exposition universelle de Paris, avec comme objectif à l’époque, certes de conseiller les voyageurs parisiens dans le choix de leur restaurant, mais avec une petite idée en tête, faire bouger les gens propriétaires d’une voiture, afin d’en user les pneumatiques.

Le tourisme moderne qui a succédé au Grand Tour des Anglos saxons, doit beaucoup à cette volonté de Michelin de faire sortir les gens de chez eux, le temps d’un dimanche, et les guides, rouges dans un premier temps en 1900, puis verts dès 1926 ont été des outils précieux pour accompagner ces premiers voyageurs.

Ce qui reste fascinant dans l’initiative de Michelin, c’est de constater que la démarche qualité de la gastronomie qui s’impose dans le monde entier en 2025, c’est toujours celle de Michelin et de son guide rouge.

Une démarche qualité dont personne ne connait les critères, contrairement aux normes iso hyper normées, c’est un tour de force qui relève du génie quand on sait que ce guide demeure en 2025 la référence mondiale absolue dans le monde de la gastronomie.

Il fallait donc être sacrément innovant pour qualifier et juger de la valeur gastronomique d’un restaurant, et quand on y pense, c’est quand même dur pour un chef de s’en remettre tous les ans au jugement d’inspecteurs qu’on ne connait pas, sur des critères jamais partagés.

Peu de professions sont soumises à une telle pression, c’est un peu comme si on nous demandait de repasser notre bac ou notre entretien d’embauche tous les ans.

Donc Michelin, en distribuant ses étoiles sur le territoire, participe à dessiner la carte du tourisme français, en faisant émerger de l’anonymat des communes rurales, dont la présence d’un « restaurant Michelin » leur confèrent une notoriété internationale.

La création d’emplois touristiques directement liés à l’exploitation du restaurant étoilé est exponentielle au nombre d’étoiles, mais ce qui est le plus fascinant, c’est de constater qu’un trois étoiles va s’accompagner d’une offre complémentaire de restauration, avec souvent la création d’une brasserie ou d’un salon de thé, voire de commerces type boulangerie ou épicerie.

Mais la même remarque vaut pour l’offre d’hébergement souvent haut de gamme qui est associée à la présence d’un étoilé Michelin.

Dans le petit village de Saint-Bonnet-le-Froid, aux confins de la Haute Loire et de l’Ardèche, où officient le chef 3 étoiles Régis Marcon et son fils Jacques, couronné du dernier Bocuse d’or, on compte pas loin de 250 emplois dans le tourisme liés directement et indirectement à la présence de ces chefs, pour une commune de… 220 habitants.

Il en est de même à Laguiole dans l’Aveyron avec Michel Bras, à Aumont-Aubrac avec Cyril Attrazic, et la liste de ces communes rurales dont l’activité touristique n’a rien à envier à certaines stations balnéaires ou de montagne.

Le must c’est quand on retrouve ces chefs et leurs établissements dans les plus beaux villages de France - une harmonie parfaite entre patrimoine préservé et gastronomie. Cette association, on la retrouve dans 17 des plus beaux villages de France.

La France compte 642 tables étoilées Michelin. Je ne sais pas combien d’emplois ces tables génèrent directement ou indirectement, ni de nuitées, mais cela mériterait d’être mesuré spécifiquement car ces données méritent d’être connues et partagées.

Je ne vais pas souvent déjeuner ou dîner dans ces restaurants, mais moi qui triture les données touristiques depuis des années, je suis fasciné par ce que l’ingéniosité gastronomique des chefs peut apporter à la dynamique des destinations touristiques… et cela sans aucune aide publique, quand on se remémore tous les projets peu opportuns financés par les collectivités.

Un grand respect donc à tous ces chefs qui font briller la destination France dans ses moindres recoins.

Quand l’identité touristique se construit sur l’identité du terroir, alors on touche au merveilleux !

Président de la société de conseils Futourism :

Forestier et géographe de formation, Jean Pinard a toujours travaillé dans le secteur des sports et du tourisme.
Moniteur de kayak, chauffeur de bus, guide, gestionnaire de sites touristiques, directeur de CDT et de CRT (Auvergne et Occitanie), Jean Pinard est redevenu consultant, son premier métier à la SCET, à la fin de ses études.