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GIEC : "La sobriété fait partie de LA solution" selon Gerhard Krinner 🔑

Interview de Gerhard Krinner, auteur du dernier rapport du GIEC


Il y a quelques jours, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a publié son 6e rapport. Alors que la France s'assèche, que les montagnes n'ont pas toujours été blanches cet hiver, le contexte environnemental est plutôt alarmant. Le dernier rapport des experts du climat est de la même veine. Sauf miracle, nous ne serons pas dans les clous des Accords de Paris, mais alors devons nous craindre de prendre 3 ou 4 degrés supplémentaires d'ici 2100 ? Nous avons demandé à Gerhard Krinner, directeur de recherche au CNRS et auteur du dernier rapport du GIEC.


Rédigé par le Vendredi 7 Avril 2023

TourMaG.com - Tout d'abord, quel est votre sentiment alors que les scientifiques font la Une des médias, pendant une seule journée, en plein marasme politico-social en France, avec la réforme des retraites ?

Gerhard Krinner : C'est une question un peu surprenante (rires, ndlr).

Pour recentrer, le GIEC ne sort pas son rapport pour faire la Une des médias, ce n'est pas notre intérêt. Il a été fondé pour faire un état des lieux des connaissances, et publier un document qui est la base officielle pour les négociations sur le climat.

Voici la véritable raison pour laquelle le GIEC a été fondé.

Durant les COP, cela permet d'éviter qu'un gouvernement ou un pays intervienne pour dire que le changement climatique n'existe pas ou que c'est n'importe quoi. Après, nous voulons aussi que notre travail puisse servir à informer le grand public.

A lire : "Nous devons organiser une COP du Toursime" J-F Rial

Il serait dommageable que le rapport soit seulement dirigé vers les décideurs politiques. Et puis je ne pense pas que nous faisions que des interventions dans les médias, une seule journée tous les 5 ou 8 ans, lorsque nous publions le rapport.

Après, il est un peu pénible d'apprendre que des interventions médiatiques sont annulées en raison du vote d'une motion de censure ou de l'arrivée d'une star du foot. La signature de Messi au PSG était bien plus importante que le climat.


"Nous allons allègrement dépasser l'objectif de limiter le réchauffement à + 1,5 degré"

TourMaG.com - En parcourant, le 6e rapport du GIEC et les publications en faisant référence, j'ai l'impression que le ton était résolument plus alarmiste. Est-ce le cas ?

Gerhard Krinner :
Oui et non, le GIEC publie des rapports depuis 30 ans.

Les climatologues savent depuis 50 ans ce qui allait arriver. Et tout ce qui arrive aujourd'hui, nous l'avions prédit. Evidemment, plus nous attendons, plus la question est urgente.

A lire : Pourquoi le tourisme doit s'intéresser au 6e rapport du GIEC ?

Si nous avions agi pour réduire les émissions dans les années 90, nous ne serions pas dans la situation que nous connaissons aujourd'hui. De ce point de vue là, alors le ton est plus alarmiste.

Nous savons que si nous n'agissons pas immédiatement, alors le climat va évoluer comme nous l'avons prédit.

S'il n'y a pas de réduction forte et immédiate, soutenue des émissions de gaz à effet de serre, alors nous allons allègrement dépasser l'objectif de limiter le réchauffement à + 1,5 degré.

Certains aspects de l'impact du changement climatique ont été réévalués, notamment au niveau des risques.

Les experts de cette question ont fait des évaluations sur les niveaux de température que nous pourrions atteindre dans le futur. Les risques ont presque tous été réévalués vers le haut, donc des risques plus élevés.

Il y a sans doute des points plus alarmistes dans le rapport, mais le message est : il est plus urgent d'agir que ça ne l'était avant, car nous n'avons pas fait assez lors des dernières décennies.

"Nous sommes sur une trajectoire nous amenant à un réchauffement de + 2,2 et 3,5° en 2100"

TourMaG.com - L'inaction des dernières années provoque ce ton plus alarmiste ?

Gerhard Krinner :
Je n'utiliserais pas le mot alarmiste, mais je parle d'une urgence à partir du moment où nous voulons attendre les objectifs fixés par l'Accord de Paris.

Limiter le réchauffement à +1,5 degré n'a pas été fixé par le GIEC ou les scientifiques, mais par les dirigeants politiques.

TourMaG.com - Les Accords de Paris sont-ils devenus totalement inatteignables et obsolètes par rapport à la situation actuelle ?

Gerhard Krinner :
Ils ne sont pas obsolètes.

Les estimations disent que que nous allons dépasser +1,5 degré au début des années 2030. Sauf que cela ne signifie pas que nous allons tomber d'une falaise. Ce n'est pas la fin du monde, mais une pente de plus en forte et glissante.

Des adaptations, c'est déjà le cas aujourd'hui, ne seront plus possibles, les impacts du réchauffement seront de plus en plus puissants.

Il existe des trajectoires climatiques dans lesquelles nous dépassons pendant quelques années l'objectif de +1,5 degré, pour revenir ensuite à un réchauffement moindre.

Les accords de Paris sont tellement vagues que nous pourrions fixer de stabiliser ce réchauffement à 2100, donc dépasser pendant un temps ce cap, pour y revenir.

La question : est-ce que nous allons rester proches de 1,5 degré en réduisant les émissions ou largement dépasser ce seuil ? Avec les politiques implémentées aujourd'hui, nous sommes plutôt sur une trajectoire d'un réchauffement de + 2,2 et 3,5° en 2100.

"La sobriété fait partie de LA solution"

TourMaG.com - Justement, ces hausses ne sont peut-être pas compréhensibles par tous. Je suis Normand et souvent au mois d'août nous avons des pulls à cause de la fraicheur. Pourquoi faut-il s'inquiéter, alors ?

Gerhard Krinner :
C'est tout le problème avec le réchauffement : il n'est pas facilement compréhensible.

Actuellement, nous sommes à un réchauffement de +1,15 degré par rapport à 1850, l'année de référence. Avec ce simple degré, nous voyons disparaître les glaciers des Alpes. Si la température reste au même niveau, ils sont condamnés.

Ce n'est pas tout : les évènements de chaleur extrême se multiplient, mais aussi ceux de précipitations extrêmes partout dans le monde. Nous parlons là, de seulement +1 degré.

Il est très clair qu'il y a une différence substantielle et mesurable entre 2,5 et 3,5 degrés.


TourMaG.com - Pour la 1ère fois dans le rapport, vous parlez de sobriété, est-ce l'unique voie ?

Gerhard Krinner :
Non, c'est tout le problème, il n'y a pas qu'une seule voie.

La sobriété fait partie de LA solution. L'aviation fait partie des secteurs, où l'objectif du net zéro est très difficile à obtenir. Les changements sont nécessairement dans tous les domaines, comme dans les comportements humains.

Le fait de prendre les transports en commun plutôt que la voiture, isoler au mieux les bâtiments, la transition vers des régimes alimentaires soutenables et sains, donc moins carnés... toutes ces décisions ont du sens pour la transition.

Il faut que les comportements individuels évoluent, mais aussi les politiques au niveau des villes, les pays et à l'international. C'est à tous les niveaux que cela se joue. Donc le climat touche à tous les secteurs et aux fondements même de notre société, c'est tout le problème.


Rendez-vous demain pour la seconde partie de l'interview


Romain Pommier Publié par Romain Pommier Journaliste - TourMaG.com
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