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Pourquoi Orchestra est une menace pour les agents de voyages ? [ABO]

Pour François Piot, bien qu’utile et efficace, Orchestra a ses limites


Les congrès Manor sont toujours des rendez-vous particuliers dans l'année. Alors que, dans beaucoup d’événements professionnels, personne n'ose vraiment dire les choses, le réseau Manor n'est pas seulement indépendant dans son fonctionnement, il l'est aussi dans ses prises de parole. Lors des dernières éditions, les représentants d'Air France ou de la SNCF repartaient avec les oreilles rouges. Cette fois-ci, ce sont celles d'Orchestra qui ont sifflé, et pas seulement pour parler du géant français positivement. François Piot a lancé les hostilités.


Rédigé par le Lundi 13 Octobre 2025

Orchestra "simplifie à l'extrême le métier d'agent de voyages" - Crédit photos : Depositphotos @liluydesign
Orchestra "simplifie à l'extrême le métier d'agent de voyages" - Crédit photos : Depositphotos @liluydesign
Lors d’un congrès Manor, les adhérents viennent sans doute plus pour les conférences que pour la... destination.

Pour avoir assisté à quelques événements de la profession, c’est loin d’être toujours le cas ailleurs.

Le réseau, qui se veut le plus indépendant de l'industrie touristique, ne ménage pas ses partenaires — non pas par plaisir, mais pour leur faire entendre des vérités qu’il n’est pas toujours facile d’exprimer dans d'autres circonstances.

Précédemment, les représentants d'Air France ou de la SNCF en avaient déjà pris pour leur grade, en raison du NDC ou d'une redistribution financière jugée toujours plus défavorable pour les agences de voyages.

Cette année, il ne s’agit pas d’avoir trouvé un nouveau bouc émissaire — ce n’est pas l’enjeu —, mais certains ont dit tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas au sujet d'Orchestra.

"J'ai déjà entendu des fournisseurs dire qu'Orchestra lobotomise nos vendeurs.

C'est un outil magnifique et une technologie efficace. Ça marche en B2C, ça marche en B2B. Néanmoins, nous devons être vigilants, car nous faisons face à un risque de perte de savoir-faire de nos vendeurs.

Quand on pousse l'utilisation d'outils aussi simples, à la fin, plus rien ne différenciera ce que nous faisons de ce que nos clients peuvent faire chez eux. C'est un vrai risque
", a confié sur scène le patron de Prêt à Partir.


Orchestra "simplifie à l'extrême le métier d'agent de voyages"

La grogne contre le géant français, désormais devenu un acteur européen, se fait donc de moins en moins sourde.

Déjà palpable ces dernières années, les banderilles à son encontre se font maintenant à visage découvert.

Les uns reprochent sa lourdeur technologique, les autres sa position quasi monopolistique, quand d’autres craignent tout simplement pour l’avenir même de leur métier.

La parole se libère, et celui qui a la charge de développer Manor Loisirs prend le temps de détailler sa pensée.

"Je trouve que cela simplifie à l'extrême le métier d'agent de voyages.

C'est un outil très performant, mais il ne faut pas qu'il soit au service de la facilité du vendeur. Il doit être au service de sa productivité.

La réservation se fait en seulement quelques clics, c'est enfantin, et après, le client imagine que nous faisons ça toute la journée.

‘Science sans conscience n’est que ruine de l’âme'
," résume-t-il.

À force de trop mâcher le travail des conseillers voyages, le dirigeant de Prêt à Partir s'interroge sur la façon dont il pourra se différencier de groupes comme Selectour ou Tourcom.

Dans une distribution touristique en pleine réinvention, vendre des voyages sur mesure reste l'une des clés du succès.

Orchestra "sert surtout à faire des ventes pour le mass market"

Un constat que rejoint globalement Guy Zekri.

"Post-Covid, beaucoup d'agents de voyages expérimentés ont quitté la profession. Nous nous retrouvons avec une population de vendeurs extrêmement jeune.

Ils sortent des écoles, où ils ont appris à se servir d’Amadeus et un peu d’Orchestra. Aujourd'hui, leur seule vérité dans les agences est de se connecter à Orchestra pour effectuer des réservations.

Le principal travail à mener dans la profession consiste à former ces jeunes, pour qu'ils apprennent à vendre autre chose que du club tout prêt, en appuyant sur un bouton.

Parce que vendre du club à un client direct ne nécessite pas de passer par un agent
de voyages,
" alerte-t-il.

Si les professionnels perdent le réflexe ou l’envie de composer des voyages complexes, puisque tout leur est servi directement sur leur écran, alors leur existence pourrait être remise en question à court ou moyen terme.

Un point rarement soulevé dans les évènements du secteur. Par le passé, les critiques feutrées au sujet d'Orchestra venaient surtout des tour-opérateurs, désormais, ce sont les distributeurs qui prennent la parole.

Orchestra, bien que très efficace et utile — là n’est pas le débat —, a donc ses limites. Selon François Piot, la solution va chercher les données chez les tour-opérateurs, puis les adapte à un format qui réduit l'information.

Le meilleur outil resterait donc le site BtoB du TO, là où les agents disposent de la plus grande liberté.

"C'est une vérité que peu osent assumer.

Le niveau d'information n'est même pas comparable. Au-delà des données sur les hôtels, on a des images, des vidéos, des contenus à télécharger, etc.

Orchestra, c'est super. Christian (Sabbagh, président de Travelsoft ndlr) fait un boulot incroyable et le business model est exceptionnel. Mais c'est très limité en termes d'informations.

Et surtout, cela sert avant tout à faire des ventes pour le mass market, principalement des clubs. Pour le sur-mesure, ce n'est pas aussi pertinent, il est impossible de composer un voyage en Polynésie,
" poursuit le DG de Beachcomber Tours.

IA et Orchestra : "libérer du temps aux vendeurs, mais du temps pour faire quoi ?"

Un écart qui serait encore plus important dans le monde de la croisière.

"Je pense que ça l'est encore davantage, parce que la croisière a ses spécificités.

Bien sûr que nous travaillons avec Orchestra, mais les points communs sont limités, le niveau d'information y est extrêmement basique. Et pour un produit aussi complexe que la croisière, il faut avoir les bonnes informations.

D'ailleurs, nous continuons à développer nos sites internet en permanence,
" poursuit Patrick Pourbaix, le directeur général de MSC Croisières en France.

Finalement, comme pour l’intelligence artificielle, les dirigeants semblent s’interroger sur la nécessité de cette simplification intensive du travail des salariés.

Avoir un outil aussi performant qu'Orchestra incite les agents à la facilité et à se détourner du voyage sur mesure, plus complexe mais aussi plus lucratif. De plus, ce temps gagné à faire des ventes "faciles" interroge le patron de Prêt à Partir.

"La problématique que nous avons avec Orchestra est un peu la même que celle que nous pose l'intelligence artificielle.

L'enjeu, c'est évidemment de libérer du temps aux vendeurs, mais du temps pour faire quoi ? L'idéal serait que ce temps technique soit transformé en temps commercial — pour relancer des devis et renforcer la relation client.

Encore faut-il que les vendeurs en aient conscience et qu’ils en aient envie,
" s'interroge François Piot.

Le Lorrain n'est pas pour autant réfractaire à la technologie. Preuve en est, ses agences testent actuellement Hera, une solution destinée à gagner du temps sur la production des devis et des carnets de voyage.

D'ailleurs, dès le premier trimestre 2026, le conseil d'administration de Manor devra trancher sur les solutions qui lui seront présentées, afin de faire monter en compétences technologiques sa branche loisirs.

Techno : "Nous ne devons pas revivre ce que nous avons vécu avec les SBT"

"Aujourd'hui, tous les adhérents ont accès gratuitement à WorldVivo, qui est une mine d'informations, d'échanges et d'entraide.

Demain, nous aurons des outils technologiques et des structures pour vous accompagner et mieux piloter les ventes de nos partenaires. Il y a un rapport à faire entre le coût et ce que ça rapporte.

Chez Prêt à Partir, nous n'avons pas d'outils génériques, donc pas de portail multi-tour-opérateurs. Notre structure de vente fait que 80 % de nos ventes se réalisent avec une petite dizaine de fournisseurs.

Dans ce contexte, ce site ne se justifie pas,
" explique François Piot.

Le coût d'une telle structure reste trop élevé au regard de sa rentabilité réelle.

De plus, le dirigeant estime que nous sommes à un tournant majeur. L'évolution technologique, portée par l'intelligence artificielle, avance à toute vitesse, rendant les solutions actuelles presque obsolètes — ou sur le point de le devenir.

Le patron de Prêt à Partir préfère donc prendre son temps et attendre les prochaines innovations, plutôt que de s'engager dans de longs baux qui risqueraient de figer Manor Loisirs.

"Nous sommes d'accord sur le constat : nous devons nous doter d'outils.

Après, est-ce bien les outils d'aujourd'hui qu'il nous faut, ou ne vaut-il pas mieux attendre un peu pour avoir ceux de demain ? Avec l'IA, la technologie va être profondément bousculée.

Nous ne devons pas pour autant rester immobiles, mais être opportunistes, et éviter de nous engager sur des durées trop longues.

Nous ne devons pas revivre ce que nous avons vécu avec les SBT,
" conclut le patron.


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Commentaires

1.Posté par Bertrand Billerey le 12/10/2025 19:35 | Alerter
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Très bonne analyse, pragmatique !
Orchestra est un super outil pour des produits « simples » et permet de comparer instantanément les stock chez les différents fournisseurs et ainsi répondre rapidement à la demande.
Il est également certain qu’avec les avancées de l’IA les outils vont beaucoup évoluer mas ils ne remplaceront jamais l’expertise des vendeurs formés sur les destinations.
Un outil reste un outil : pas de bon artisans sans de bons outils.

2.Posté par François Piot le 13/10/2025 09:04 | Alerter
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Orchestra, c'est comme Tourmag. Quand on se limite aux titres, on passe à côté de l'essentiel...

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