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Air India : un pilote de Boeing 787 décrypte le crash [ABO]

Un commandant de bord français sur B787 a répondu à nos questions


Une semaine après le drame, alors que les deux boîtes noires du vol AI171 d’Air India ont été retrouvées, les premières hypothèses sur les causes du crash commencent à émerger. Un commandant de bord français, aux commandes d’un Boeing 787 identique à celui impliqué dans l’accident, décrypte pour nous les images et les éléments connus à ce jour.


Rédigé par le Jeudi 19 Juin 2025

Voici les toutes dernières informations et le décryptage d'un commandant de bord d'un B787 suite au crash du vol AI 171 - Crédit photo : Deposiphotos @JarekKilian
Voici les toutes dernières informations et le décryptage d'un commandant de bord d'un B787 suite au crash du vol AI 171 - Crédit photo : Deposiphotos @JarekKilian
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Le 12 juin 2025 à 13h39 heure locale (10h09 heure française), le vol AI171 d’Air India s’écrasait sur une résidence abritant médecins et étudiants, à proximité immédiate de l’aéroport d’Ahmedabad.

Le Boeing 787-8 Dreamliner, âgé d’un peu plus de 12 ans, n’aura volé que 36 secondes.

Il s’agit de la catastrophe aérienne la plus meurtrière dans le monde depuis 2014. Cette année-là, un Boeing 777 de Malaysia Airlines avait été abattu par un missile au-dessus de l’Ukraine.

Revenons en 2025. Bien qu’un miraculé ait survécu presque indemne à ce terrible accident, les 241 autres personnes à bord, passagers et membres d’équipage, ont péri, tout comme 38 personnes au sol.

Une semaine après les faits, sans que le contenu des enregistreurs de vol ne soit encore connu, les circonstances de l'accident commencent à se préciser.

Des vidéos circulant sur les réseaux sociaux, l’appel de détresse du commandant de bord, lancé à peine quelques secondes après la rotation, ainsi que les premiers éléments publiés par le ministère indien de l’Aviation civile, apportent des éclairages précieux.

Après plusieurs jours d’échanges avec un commandant de bord français sur Boeing 787, ayant préféré conserver l'anonymat, nous faisons le point sur les faits établis et les questions qui subsistent autour du crash du vol AI171.


Air India : les hypothèse du commandant de bord du B787

Beaucoup de choses ont été écrites sur le vol 171.

Si les réseaux sociaux permettent de collecter des informations, ils sont aussi une grande source de... désinformation.

Alors que certains s’interrogeaient sur un éventuel décollage depuis une piste trop courte, FlightRadar a précisé, après analyse des données, que l’avion avait effectué un demi-tour afin d’utiliser toute la longueur de la piste pour atteindre la vitesse nécessaire au décollage..

Pour rappel, l’appareil, qui décollait de l’aéroport d’Ahmedabad, une ville de l’ouest de l’Inde, devait rejoindre Londres en 9h30.

En raison de la distance à parcourir, l’avion était pleinement chargé.

"Le vol a duré environ 30 secondes. Il existe plusieurs hypothèses plausibles à ce stade.

L’appareil a pu subir une panne moteur. Dans ce cas, la première action consiste à rentrer le train d’atterrissage. Ce qui n’a pas été fait, sans que nous sachions pourquoi.

Il se pourrait que les pilotes, sous l’effet du stress, aient très rapidement coupé un moteur... mais peut-être le mauvais, celui qui fonctionnait encore.

La deuxième hypothèse serait une erreur de manipulation : une confusion dans les commandes. Les volets auraient été rentrés au lieu du train d’atterrissage, provoquant une perte de portance.

La dernière option possible est celle d’une pollution du carburant. Une perte de poussée est alors plausible, et le déroulement des événements serait cohérent avec les données en notre possession.

Sauf que nous n’avons, pour l’instant, rien pour confirmer cette théorie,
" nous détaille le pilote.

Air India : "un bruit sourd environ 30 secondes après la mise en poussée"

La diffusion du message de détresse du pilote du vol AI171 d’Air India semble écarter l’une des hypothèses initiales.

Quelques secondes à peine après le décollage, Sumeet Sabharwal contacte la tour de contrôle. Différents médias indiens et anglais ont retranscrit la communication : "Mayday... pas de poussée, perte de puissance, impossible de monter."

Un message qui n'aura pas de suite. L’appareil n’a atteint que 190 mètres d’altitude, avant de décrocher progressivement. Il s’écrasera au bout de seulement 36 secondes sur un immeuble résidentiel.

À ces éléments s’ajoute le témoignage de l’unique rescapé.

Très rapidement, celui-ci comprend que quelque chose ne va pas. L’avion semble comme scotché. Puis, des lumières vertes et blanches s’allument partout dans la cabine, alors que l’appareil accélère brutalement.

"Il dit avoir entendu un bruit sourd environ 30 secondes après la mise en poussée.

Cette détonation accrédite la thèse d'un problème moteur pendant le décollage, survenue juste après la vitesse de décision, moment à partir duquel les pilotes doivent impérativement poursuivre le décollage

Comme je l'ai déjà stipulé précédemment cela ne pose pas de problème, il est possible de décoller malgré une panne d'un moteur au pire moment.

Mais s’il n’y a eu qu’un seul "bang", cela suggère ce que nous appelons un 'grave dommage' ou un 'pompage', qui aurait été mal géré.

Le train d’atterrissage n’a pas été rentré, ou bien le mauvais moteur a été coupé, celui qui fonctionnait encore.

Nous sommes formés à faire face à ce type de situation, y compris à masse maximale. Mais si tout ne se passe pas comme prévu, ou si les procédures ne sont pas strictement appliquées, alors les choses peuvent rapidement se dégrader,
" poursuit le pilote.

Air India : "nous entendons la RAT déployée"

Et pour les néophytes de l’aérien, il faut savoir que le maintien du train d’atterrissage sorti dans une telle situation n’a rien d’anodin.

"Nous voyons dans les différentes vidéos que le train est sorti tout au long du vol, sauf que cela a un impact réellement important sur la pente de montée, surtout dans ce genre de conditions, à savoir qu'il faisait chaud et que l'appareil était quasiment au maximum du poids autorisé par le constructeur.

Je ne dis pas qu'il ne se serait pas crashé, mais le train d'atterrissage peut empêcher l'avion de voler et monter normalement.

Il est actionné par un système hydraulique, cette défaillance hydraulique n'est pas mon hypothèse privilégiée.

Par contre nous voyons sur les vidéos que le train est en position plate, donc que la manette du train est bien positionnée sur sa remontée.

Il n'y a pas eu d'erreur ou d'oubli de la part du cockpit, mais une perte de puissance des moteurs qui aurait entraîner cette situation,
poursuit-il.

Alors que nous n'avons pour l'heure aucun retour de la part d'Air India ou des enquêteurs sur les données du vol, il serait trop tôt pour écarter encore l'hypothèse d'une nuée d'oiseaux, du moins selon le commandant de bord interrogé.

Un grand nombre de volatiles aurait pu s'engouffrer dans les moteurs et faire perdre en puissance l'appareil.

Un autre indice vient corroborer une possible avarie sur les deux moteurs, que notre commandant de bord a identifié très tôt après le crash.

"Sur les images, on distingue un artefact sous le fuselage qui pourrait bien être la RAT (Ram Air Turbine), déployée en cas de défaillance majeure.

Elle alimente prioritairement les commandes de vol en hydraulique, et cela pour deux raisons :

- parce que nous en avons besoin pour faire voler l'avion et que sa puissance est insuffisante pour tout alimenter,

- parce que la principale source de fuite hydraulique est le train d'atterrissage, endroit où les conduites sont les plus exposées et où il y a des mouvements importants.

D'ailleurs, au début des vidéos, nous entendons la RAT déployée, cela fait comme un bruit de scooter,
" affirme-t-il.

La Ram air turbine (ou RAT) est une petite turbine reliée à une pompe hydraulique. Elle sert comme source d'énergie de secours.

Le commandant de bord a résumé alors les 5 cas dans lesquels la turbine tombe toute seule pour se mettre en route.

Les deux moteurs sont en panne ou alors les pressions des trois systèmes hydrauliques sont faibles ou une perte est constatée de toute l’alimentation électrique des instruments de vol du commandant de bord et du copilote, mais aussi une perte des quatre EMP (Electronic Motor Pumps) et défaillances du système de commandes de vol pendant l’approche.

Pour finir, la dernière raison est celle de la perte des quatre EMP et panne moteur au décollage ou à l’atterrissage. Les EMP fournissent de l'énergie hydraulique nécessaire à diverses fonctions, garantissant ainsi le fonctionnement sûr et efficace de l'avion.

Avant de connaître les conclusions issues des boîtes noires, un consensus prudent semble s’imposer : celui d’une double panne moteur.

Air India : "il ne faut pas tomber dans le Boeing bashing"

La théorie de la RAT et de la double panne des moteurs est également celle défendue par Steve Schreiber, un autre commandant ayant analysé le crash, dont l’une des vidéos cumule 12 millions de vues (vidéo ci-contre).

Ce cas s'est déjà produit.

Le 26 décembre 2024, un appareil de Jeju Air sort de la piste après un atterrissage trop long. Le train est rentré, mais l’avion percute un talus et explose à l’impact.

Selon le rapport préliminaire, les enquêteurs ont trouvé des plumes et des traces de sang d’oiseau dans les deux moteurs, provoquant une perte de puissance critique.

"Le pilote a remis les gaz suite à une collision aviaire, mais les deux moteurs se sont éteints.

C’est pourquoi je ne mets pas de côté l’hypothèse aviaire. En revanche, il ne faut pas tomber dans le Boeing bashing : l’avion est fiable et bien conçu.

Les cas de double panne moteur sont très rares. Personnellement, je n’ai jamais entendu parler d’une telle situation, sauf les cas connus de tous comme celui du vol US Airways 1549 sur la rivière Hudson et celui du vol 2216 de Jeju Air,
" poursuit notre pilote.

La Direction générale de l’aviation civile (DGCA) indienne a demandé une inspection de toute la flotte des Boeing 787 d’Air India, afin de "rassurer", selon le commandant de bord et d’identifier un éventuel problème lié à cette série.

Ce qui n'est pas le cas des autres organisme de sureté à travers le monde. De plus, le constructeur américain a adressé un courrier à l'ensemble des opérateur pour partager le fait qu'il ne recommande aucune action particulière sur les appareils en circulation pour le moment.

Ce mercredi 18 juin, le verdict de l'examen est tombé : les appareils et les systèmes de maintenance associés se sont avérés conformes aux normes de sécurité en vigueur.

Malgré tout, l’autorité a exprimé ses "inquiétudes concernant les récents problèmes de maintenance signalés par Air India."

De plus, sur les 33 Dreamliner de la flotte, 4 appareils sont actuellement soumis à des vérifications majeures dans plusieurs centres.

Quatre jours après la catastrophe, un autre Boeing 787‑8 d’Air India, en phase de montée au départ de Hong Kong, a dû revenir à son aéroport d’origine suite à un problème technique.

Le commandant de bord a informé le contrôle aérien qu'il avait un problème de filtre à carburant sur le moteur droit (GEnx), ce qui se rapprocherait alors de ce qu'a pu connaitre le vol AI171.

Dans les prochains jours, les boîtes noires et l’enregistrement des paramètres de vol seront analysés pour livrer tous leurs secrets.


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